Page:Falret - Études cliniques sur les maladies mentales et nerveuses, 1890.djvu/215

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui lui passaient devant les veux ; enfin il éprouva de temps en temps un véritable état de délire, ordinairement calme et vague, pendant lequel il avait des visions de nature presque toujours effrayante, composées d’insectes, d’animaux, d’objets scintillants, passant constamment devant ses yeux. Il conversait avec des interlocuteurs imaginaires, se croyait poursuivi par eux, avait des frayeurs, des anxiétés continuelles, qui n’allaient pas jusqu’au degré d’un véritable accès de delirium tremens, mais qui en étaient une sorte de diminutif. Cet état, joint aux idées hypocondriaques exagérées et à l’obtusion de l’intelligence, ci-dessus mentionnée, le fit considérer comme aliéné, et on songea à l’envoyer à Bicêtre. Mais indépendamment de ces phénomènes psychiques, qui avaient surtout fixé l’attention, le médecin qui l’examina fut frappé de l’existence concomitante de phénomènes paralytiques dont le malade avait parfaitement conscience, et sur lesquels il attirait lui-même avec complaisance l’attention du médecin. Il avait d’ailleurs également conscience du trouble de son intelligence, et disait qu’il était victime d’illusions nombreuses. L’affaiblissement musculaire, surtout manifeste aux membres inférieurs, existait aussi aux membres supérieurs. Le malade était, en outre, affecté d’un tremblement des membres, assez marqué. Aussitôt qu’il voulait marcher, il lui semblait que ses jambes ne pourraient le porter, et il sentait ses genoux fléchir sous lui ; sa marche était assez analogue à celle de certains paraplégiques ; les bras étendus tremblaient, soutenaient difficilement les objets, et le malade serrait très faiblement avec les mains ; la langue, sortie de la bouche, était tremblante, et il y avait embarras de la parole. D’après l’ensemble de ces symptômes, il était permis de croire, chez ce malade, à l’existence d’un commencement de paralysie générale ; cependant, au bout d’un mois environ de séjour à l’hôpital, on vit diminuer considérablement, et enfin cesser complètement, ces symptômes physiques et moraux qui paraissaient si graves au premier abord, et depuis près de six mois que le malade est sorti de l’hôpital et a repris son service, avec la résolution bien arrêtée de ne plus se livrer aux mêmes excès de boissons, ces phénomènes maladifs ne se sont pas reproduits.