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tandis que ceux qui présentent, dès le début de leur affection, les caractères de l’état de veille, ont nécessairement une maladie de longue durée, et s’ils guérissent, ne peuvent arriver à ce résultat avant six mois ou un an ? Quelle importance pour le diagnostic et le pronostic, peut-être même pour la thérapeutique, peut présenter une distinction entre ces deux états, confondus aujourd’hui sous une même dénomination !

Un autre état, également confondu avec la manie proprement dite, est celui qu’on peut désigner sous le nom d’excitation ou d’exaltation maniaque. Cet état est caractérisé par une simple suractivité de toutes les facultés, sans véritable incohérence. Les malades qui en sont atteints présentent une succession rapide et une véritable fécondité d’idées. Ils parlent sans cesse, avec une faconde et une intempérance de langage indicibles, mais les phrases qu’ils prononcent sont parfaitement suivies ; elles ont un sens nettement déterminé et ne ressemblent en rien aux phrases fragmentées et incomplètes des autres maniaques. Ces malades ont tant d’activité dans l’intelligence, des réparties si vives, tant de ressources dans l’esprit, que ceux qui les ont connus autrefois dans l’état de santé ne les reconnaissent plus, et qu’eux-mêmes, ayant en partie conscience de leur situation, déclarent qu’ils sont doués, pendant la durée de cet état maladif, de facultés qu’ils n’ont jamais possédées. Ils composent des vers et des pièces de poésie ; ils ont une facilité d’élocution et une mémoire bien plus grandes que dans leur état normal. — C’est dans ces cas que l’on peut dire avec vérité ce que l’on a dit avec exagération des autres aliénés, que la maladie développait souvent chez eux des facultés qui n’existaient pas avant son invasion, et donnait ainsi aux malades plus d’esprit pendant leurs accès que dans leurs intervalles. À cette activité excessive des idées, s’allient, chez ces maniaques exaltés, un sentiment de bien-être et d’exubérance de santé, des dispositions à l’irritation et à la colère, des impulsions violentes, des actes très désordonnés, et un besoin incessant de mouvement, n’entraînant aucune fatigue pendant le jour et pendant la nuit, état qui rend ces malades les plus difficiles à vivre, les plus indisciplinables et les plus insupportables de tous les aliénés, soit dans leur famille et dans la société, soit dans l’intérieur même des asiles. Eh bien ! comment comparer ces aliénés qui