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répond : « Eh bien, un château dans lequel je suis. — Mais vous êtes à Bicêtre, ici ? — Laissez-moi tranquille. — Voulez-vous faire quelque spéculation ? » Il s’anime alors un peu, et répond : « Certainement, sur les trois-six. » Il entre alors dans quelques détails sur cette spéculation et termine en disant : « Et on gagne 100 millions toujours cent pour cent. — Il me semble que vous m’avez dit que vous étiez ruiné ? — Oh ! non. — Que vous aviez quitté votre commerce ? — Comment, quitté mon commerce ! — Comment avez-vous gagné l’argent que vous avez ? — Eh bien, par des spéculations » (il dit cela maintenant parce qu’il vient de parler de spéculation, mais précédemment il n’avait pas pu dire d’où venait cet argent).

Tel est le résumé de l’interrogatoire auquel je le soumis ce jour-là. Depuis cette époque, il est resté à peu près dans le même état, ou plutôt les divers symptômes se sont plutôt aggravés. Je l’ai revu le 29 mai 1852. Il était toujours couché sur le dos, immobile, et ne répondait presque pas aux questions qu’on lui adressait. Il avait la face bouffie, défigurée ; la pupille droite toujours un peu plus large que la gauche, et ne paraissant pas contractile, comme elle, sous l’influence de la lumière. Il ne pouvait plus se lever, tant ses jambes étaient faibles. Depuis quelques jours, il était plus silencieux, ne parlait plus guère de ses millions et de son titre d’empereur. Ses lèvres tremblaient beaucoup, aussitôt qu’il voulait parler. Lorsqu’on lui adressait la parole, sa figure s’épanouissait et exprimait une satisfaction vague, mais il ne paraissait pas bien comprendre ce qu’on lui disait : le plus souvent, il n’y répondait même pas, ou y répondait d’une manière contradictoire d’un moment à l’autre. Depuis ce jour, je ne l’ai pas revu. Il est mort dans le courant du mois de juillet, de la même année, et l’on m’a dit avoir trouvé, à l’autopsie, les méninges infiltrées par une grande quantité de sérosité, un ramollissement notable de la substance grise de la surface du cerveau, et, de plus, un ramollissement de la substance blanche de la partie antérieure de l’hémisphère droit (?).

D’après ce compte rendu d’autopsie, ne serait-il pas possible de rapporter anatomiquement les symptômes des trois premières années au ramollissement de la substance blanche, et les symp-