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rait et criait de temps en temps ; elle demandait constamment à sortir, souvent même avec violence ; elle ne pouvait rester tranquille à travailler, déchirait les robes qu’on lui apportait (ce dont elle ne se rappelait pas ensuite), et quoiqu’elle ne fût pas réellement agitée, on était quelquefois obligé de lui mettre la camisole, à cause du désordre de ses actes. À partir du mois de mars, au contraire, elle commença à devenir très tranquille ; son esprit devint plus net et moins confus ; elle put s’occuper à travailler, et après quelques mois de cette amélioration relative, qui était loin d’être une guérison, puisqu’il persistait toujours de l’embarras de la parole et une grande débilité intellectuelle, elle fut rendue à sa famille, qui la réclamait, pendant le courant du mois de juin, dans un état de rémission notable, eu égard à l’état où elle se trouvait lors de son entrée.


IVeObservation : Folie paralytique au début ; activité extrême de l’intelligence ; conceptions multiples et gigantesques ; violence des actes ; phénomènes paralytiques non encore appréciables.

M…, né en Espagne de parents sains d’esprit, âgé de trente-six ans, fut doué, dès le plus jeune âge, d’une activité incessante, et se montra hardi, audacieux et turbulent ; il a toujours eu des sentiments généreux, et poussait même la générosité jusqu’à la prodigalité. Il fit ses études universitaires avec éclat, et, dès l’âge de vingt et un ans, fut obligé de remplacer, dans les fonctions de juge, son père, frappé d’apoplexie ; bientôt, celui-ci étant mort à la suite d’une seconde attaque, M… se trouva seul chargé de la responsabilité de sa famille, et commença dès lors à se livrer à l’étude avec une ardeur excessive. Depuis cette époque, il n’a pas cessé un seul instant de manifester une activité extrême qui suffisait aux travaux les plus nombreux, les plus difficiles, et dans des directions bien différentes : il eut même à soutenir plusieurs fois des luttes pénibles qui affectèrent quelquefois son moral, sans cependant briser son courage. Néanmoins, vers la fin de 1850, on commença à s’apercevoir que son activité avait baissé, et M… prit même la résolution de restreindre ses travaux et de prendre du repos. Bientôt