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d’indifférence générale, avec tendance à la satisfaction. Le plus souvent, elle se met à sourire quand on lui parle, dit qu’elle ne s’ennuie pas, qu’elle ne pense à rien, et manifeste seulement fréquemment le désir de s’en aller ; mais le plus léger prétexte suffit pour la détourner de cette idée, et elle se laisse conduire machinalement, à peu près où l’on veut. Les preuves de la débilité de son intelligence et de sa mémoire sont nombreuses : le plus souvent, elle ne sait ni où elle est, ni quel âge elle a, ni depuis combien de temps elle est à l’hôpital. Quand on lui demande son âge, elle répond d’abord qu’elle a quinze ans, puis dix-sept ; elle ne sait pas en quelle année elle est née. Dans un autre moment, à la même question, elle répond qu’elle a vingt-trois ans ; tantôt elle semble savoir qu’elle est à la Salpêtrière, tantôt elle parle comme si elle était dans un atelier où elle a travaillé autrefois, et d’ailleurs elle ne s’inquiète nullement de savoir où elle est, ni pourquoi et comment elle y est venue, et elle me dit de demander à son père pourquoi on l’a amenée à l’hôpital. Un mois après son entrée dans cet hospice, elle dit y être depuis six mois, et n’avoir pas vu son père depuis ce temps : elle ne se rappelle pas avoir pris des objets chez un bijoutier, et dit n’avoir jamais rien volé. Il y a peu de chose à noter relativement à son état physique : elle n’a pas maigri, son appétit est bon, elle ne se sent pas malade, se plaint seulement d’avoir de temps en temps des douleurs de tête, et quelquefois même des étourdissements ; elle a la vue bonne, mais la pupille gauche est plus dilatée que la droite. Sa langue, sortie de la bouche, tremble très faiblement ; son embarras de parole, en général peu saillant, varie d’intensité selon les moments : tantôt elle n’a pas conscience de cette difficulté à parler, tantôt elle cherche à l’expliquer par la frayeur que lui inspire la personne qui parle. Elle n’éprouve pas d’ailleurs de difficulté à marcher ; mais ce qu’il y a de remarquable, c’est que le plus souvent elle gâte sans s’en apercevoir, et le nie lorsqu’on le lui fait remarquer ; les traits de sa physionomie sont sans expression et tombants ; mais elle se met à sourire, et prend de l’animation aussitôt qu’on lui parle.

Cet état, d’ailleurs variable en intensité d’un jour à l’autre, s’est amélioré d’une manière générale, au bout de quelques mois de séjour à l’hôpital. Dans les premiers mois, en effet, elle déchi-