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son caractère, si ce n’est qu’elle se mettait facilement en colère, et que le sang lui montait à la tête ; il lui est même arrivé, dans cet état, de briser divers objets. Elle dépensait d’ailleurs facilement son argent. Elle avait déjà eu un enfant, lorsqu’il y a un an, elle se crut de nouveau enceinte ; son caractère changea alors complètement ; elle devint triste, se tourmenta outre mesure, se crut perdue, et disait à chaque instant qu’elle allait mourir. C’est de cette époque que l’on fait dater le commencement de sa maladie. Elle devint ensuite beaucoup plus colère qu’elle ne l’était auparavant, se mit à dépenser, sans précaution aucune, tout l’argent qu’elle pouvait avoir ; elle prit de plus l’habitude d’injurier et de battre sa mère, et enfin délira d’une manière évidente. Elle voulait aller en Amérique rejoindre un cousin, parti depuis cinq ans, et voulait emmener soixante demoiselles avec elle pour s’y enrichir ; elle parlait constamment de toilettes ; tout ce qu’elle disait n’était que mensonge et invention, dit son père ; elle ne se plaignait pas d’être malade, seulement elle accusait souvent des maux de tête ; elle ne pouvait plus travailler, et on remarquait déjà que sa parole était embarrassée. Trois ou quatre mois avant son entrée à la Salpêtrière, elle se mit à briser les verres, les carafes, et à déchirer les objets qui tombaient sous sa main ; enfin, dans les derniers temps, elle se levait la nuit, présentait un besoin continuel de mouvement ; enfin elle s’agita davantage huit ou dix jours avant son entrée. La veille de son arrestation, elle avait brisé la commode, pris les effets de sa sœur, 125 francs dans un tiroir, et s’était sauvée à trois heures du matin ; elle se rendit dans la matinée chez un bijoutier, demanda à acheter des couverts, des boucles d’oreille ; mais, au lieu d’attendre qu’on les lui donnât, elle s’en empara, prétendit qu’elle ne les avait pas, et se sauva en donnant un soufflet à une personne qui se trouvait sur son passage. C’est pour ce fait qu’elle fut arrêtée et conduite à la Salpêtrière.

À son entrée, elle était dans un état de grande confusion d’idées, se rappelait cependant qu’elle était souvent agitée pendant la nuit, se plaignait de douleurs de tête très vives, générales et continues, offrait un embarras de la parole peu sensible, était plutôt dans la dépression que dans un état d’agitation, et, sans l’aspect tout particulier de sa physionomie, on ne l’eût pas jugée paralytique. Elle