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répétant constamment les mêmes idées. On était même obligé de lui mettre la camisole, parce qu’elle avait fréquemment de la tendance à se déshabiller. Quelquefois aussi elle refusait de manger, sous prétexte qu’elle était habituée à manger dans la porcelaine des choses délicates ; mais il suffisait d’insister un peu pour la décider à prendre des aliments. Elle se plaignait sans cesse des mauvais traitements auxquels elle était en butte, et le désordre de ses actes était en effet assez grand pour qu’on fût souvent obligé de la réprimer. Elle eut à plusieurs reprises, pendant ce temps, au milieu de son agitation habituelle, plusieurs paroxysmes plus violents, pendant lesquels elle criait, vociférait ; une fois même, dans sa violence, elle se fit une contusion très forte à la région supérieure de l’œil. Après ces paroxysmes, elle éprouva plusieurs fois des rémissions pendant lesquelles elle présentait beaucoup plus les apparences de la raison, mais en même temps une débilité plus manifeste de l’intelligence. Elle racontait toujours les mêmes choses, mais avec moins de variantes et de détails ; elle avait d’ailleurs perdu toute idée de la durée de son séjour à la Salpêtrière, et enfin présentait moins d’activité dans l’intelligence et moins d’agitation musculaire.

Pendant tout ce temps, les symptômes paralytiques n’augmentèrent pas d’une manière saillante ; l’embarras de la parole présenta de plus des inégalités d’intensité assez grandes : très prononcé dans certains moments, il devenait moins manifeste dans d’autres ; quant aux membres, ils étaient faiblement atteints, car la malade marchait constamment, sans effort apparent, et se servait assez facilement de ses bras.

Vers le milieu d’avril 1852, l’état de cette malade empira très rapidement ; elle devint très abattue, sa figure s’altéra ; l’agitation et l’activité diminuèrent considérablement ; la parole devint beaucoup plus embarrassée ; l’intelligence baissa rapidement, quoiqu’elle pût encore répondre aux questions qui lui étaient faites ; les jambes s’affaiblirent ; elle éprouva de la peine à marcher ; elle cessa de demander à s’en aller avec autant d’insistance ; on fut obligé de la laisser au lit ; enfin, le 10 mai, à la visite du matin, on la trouva dans un tel état de prostration physique et morale, que la mort parut imminente, et en effet elle mourut dans la nuit, sans avoir éprouvé d’attaque, de contracture ni de convulsions.