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sence de bains, mais qu’avec des soins elle redeviendrait bien vite aussi belle qu’auparavant. De plus, elle est une sainte ; sa mère aussi est une sainte : elle voit Dieu ; Dieu la protège. Elle est un ange descendu du ciel ; elle se rappelle exactement tous les détails de son existence. Elle a une excellente tête. Dieu lui accorde la grâce de se rappeler avec détails tous les événements de sa vie, depuis son enfance ; elle n’est pas folle, et a toute sa tête. Elle avait des parents si distingués, et ayant une si grande fortune ! Elle parle d’un appartement qu’elle a, et dans lequel se trouvent des meubles superbes, et où l’on va tout lui voler. Elle a rêvé cette nuit qu’on avait tout pris chez elle, et elle en a beaucoup pleuré. Elle raconte qu’une comtesse lui faisait une pension, mais elle ne se rappelle plus de combien était cette pension ; on lui a volé chez elle une robe de soie, qu’elle est allé réclamer chez le commissaire de police, et elle explique d’une façon très singulière son entrée à la Salpêtrière, à cette occasion. Elle aurait de bien belles choses si elle retournait chez elle. Elle demande les beaux effets qu’elle a dans son logement. Dans un autre moment, elle dit qu’on les lui a apportés, sans pouvoir préciser le nom de la personne qui aurait pu les lui apporter, et elle se plaint de ce qu’on ne veut pas les lui donner. Indépendamment de ces idées délirantes de divers ordres, cette malade ne sait pas son âge, et renvoie aux papiers qu’elle a dans son appartement pour l’apprendre ; elle ne sait pas non plus depuis quelle époque elle est à Paris, ni depuis combien de temps elle est à la Salpêtrière ; mais elle sait qu’elle est dans cet hospice. Elle ne peut dire au juste ni dans quelle année ni dans quel mois l’on est ; elle parvient à additionner certains nombres, mais elle dit par exemple que 4 et 4 font 12, et elle ajoute, avec satisfaction : oh ! je compterais jusqu’à 1,000 et même 100,000 fr.

Cette malade est restée, pendant plusieurs mois, dans cet état d’activité, de délire multiple de grandeur et de satisfaction, et d’agitation, plus ou moins intense selon les moments. Ses idées, quoique mal coordonnées, étaient cependant assez suivies pour qu’on ne pût pas la comparer à une maniaque ordinaire, et néanmoins les mouvements et les actes étaient assez désordonnés et assez violents pour qu’il fût naturel de la considérer comme une agitée. Elle allait et venait sans cesse, mettant le désordre partout, courant çà et là, et