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à marcher, et toutes les fois qu’on voulait l’y forcer, ainsi que lorsqu’on cherchait à la faire manger, et à la mettre au lit, elle opposait de la résistance et poussait des cris perçants et continus. Dans d’autres moments, elle était plus calme et conservait les formes gracieuses et polies qu’elle avait avant sa maladie ; elle demandait à chaque instant qu’on lui mit de beaux vêtements, parce qu’elle allait monter en voiture, que son équipage viendrait la chercher, et que le cocher lui-même s’étonnerait de la voir si mal vêtue. Lorsqu’on lui parlait de son fils, elle ne semblait pas comprendre et ne répondait jamais. Cet état se prolongea ainsi pendant plusieurs mois, avec de grandes inégalités d’intensité d’un jour à l’autre, mais sans véritables accès maniaques et sans attaques congestives ou épileptiformes. Une fois même, on a constaté pendant deux heures une amélioration si notable, que l’on put habiller la malade et la faire promener ; mais cette amélioration n’eut pas de durée et elle retomba bientôt dans sa situation antérieure. Vers le mois d’août, elle eut le ventre ballonné et douloureux, cessa d’uriner, et on fut obligé de la sonder pendant plusieurs jours. À partir de cette époque, elle garda le lit et son siège commença à s’écorcher. On remarqua, dès cette époque, une intermittence singulière des symptômes, de deux jours l’un ; un jour, elle parlait assez facilement ; sa figure et ses yeux avaient de l’expression ; elle se rappelait que la veille, elle ne pouvait parler et faisait même pour cela de vains efforts ; le lendemain, elle recommençait à ne plus rien comprendre, à ne pas émettre un seul son, et paraissait totalement absente.

Cet état s’est prolongé, en s’aggravant, jusqu’à l’époque de la mort. Deux jours avant, je trouvai la malade dans l’état suivant : elle semble endormie ; en lui parlant, on lui fait ouvrir les yeux, mais elle articule à peine quelques sons, d’ailleurs inintelligibles ; la respiration n’est pas gênée, mais on entend de temps en temps un râle sonore dans l’arrière-gorge ; le pouls n’est pas fébrile ; la malade est couchée sur le dos et ne s’agite pas dans son lit ; elle peut remuer les deux bras, mais le gauche moins facilement que le droit ; les doigts de cette main, ainsi que la main elle-même, sont rétractés au point qu’on ne peut parvenir à les ouvrir. Néanmoins, la malade retire le bras quand on la pince ; les jambes paraissent insensibles lorsqu’on se borne à les