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depuis l’âge de douze ans jusqu’à l’invasion de la maladie, et s’était supprimée à cette époque, s’est de nouveau rétablie. Elle resta à l’hôpital dans cet état, jusqu’au 5 février 1851, époque à laquelle on se décida à lui donner sa sortie. Elle était revenue à un état si voisin de l’état normal, qu’elle appréciait parfaitement à leur juste valeur tous les phénomènes de sa maladie, et qu’elle a pu elle-même fournir la plupart des renseignements qui précèdent. Malgré quelques traces très légères de la persistance de son affection, l’intelligence ne paraissait pas présenter de trouble, mais la malade comprenait moins bien et plus lentement ce qu’on lui disait qu’avant sa maladie ; sa mémoire était souvent imprécise et un peu faible ; elle se rappelait beaucoup mieux les faits anciens que les faits récents. La langue était quelquefois embarrassée, mais beaucoup moins qu’à son entrée. On remarqua néanmoins, au bout de quelque temps, que sa démarche était lourde, sa parole embarrassée, et que parfois son teint et ses yeux étaient brillants et animés.

Au bout d’un certain temps, il se produisit des symptômes alarmants dont on ne peut pas bien préciser la nature, à la suite desquels la malade tomba dans un état si grave, qu’on fut obligé de la ramener à la Salpêtrière, le 23 mai 1851. Elle était alors méconnaissable. Transportée à l’infirmerie, elle ne parlait pas du tout et ne cherchait même pas à émettre un son ; elle éprouvait souvent un tremblement marqué des lèvres, mais ne parlait pas et ne paraissait pas même comprendre ce qu’on lui disait ; elle ne semblait rien entendre et ne faisait aucun signe : de temps en temps, elle criait sans cause connue et ne voulait pas manger ; de plus, elle gâtait. Au bout de quinze jours seulement, on put commencer à la lever ; mais il fallut lui conserver la camisole, parce qu’elle se salissait et se déshabillait ; elle se mit alors à parler, mais le plus souvent elle se bornait à crier sans articuler un seul mot : lorsqu’on lui demandait pourquoi elle criait, elle le niait ou ne se le rappelait pas. Son état devint alors très irrégulier : habituellement elle était dans un état de roideur générale et présentait, dans les bras et les jambes, de véritables contractures ; toutes les parties de son corps étaient si roides qu’on avait de la peine à fléchir ses jambes pour l’asseoir. On était obligé de la maintenir sur le fauteuil, parce qu’elle voulait sans cesse se déshabiller ; elle n’avait d’ailleurs aucune disposition