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défaut d’ordre et d’économie ; elle achetait sans besoin et sans calcul, faisait des demandes de toilette par écrit, et enfin, elle auparavant si laborieuse, ne voulut plus travailler, disant qu’elle était assez riche. Elle resta couchée pendant trois jours, et il fallut employer une espèce de rigueur pour la faire lever. Elle montrait tantôt une activité incessante, tantôt un abattement profond : quand on la laissait seule, elle frappait avec violence contre la porte, les meubles, le balcon. Sa maladie ayant augmenté de jour en jour, on finit par se décider à la conduire à la Salpétrière.

Le jour de son entrée, 27 octobre 1849, la maladie était assez nettement dessinée, puisque le certificat d’entrée mentionne l’existence d’idées de grandeur très caractérisées et de symptômes de paralysie générale. Deux jours après son entrée, elle croyait déjà être à l’hôpital depuis huit jours ; sa langue était embarrassée, et elle était assez paralysée pour ne pouvoir pas coudre ; elle disait toujours qu’elle allait avoir beaucoup d’argent et qu’elle ferait de grands ateliers pour les personnes qui ne travaillaient pas. Cet état ne paraît pas avoir duré beaucoup plus de deux mois. Au bout de ce temps, elle commença à s’étonner d’être dans un asile de pauvres, si elle était riche ; par conséquent elle reconnut la nature de la maison dans laquelle elle se trouvait ; elle fut impressionnée par le délire de ses compagnes, eut la conviction que ses idées étaient délirantes. Depuis cette époque, les idées de grandeur exagérées ont disparu. Elle appréciait seulement d’une manière trop favorable sa position ancienne, écrivait à son mari, dont elle connaissait cependant la mort, pour lui demander 500 francs par mois, et consentait, à cette condition, à rester dans une maison de santé. Elle disait en outre que son fils, qui était en apprentissage, devait gagner 1,500 fr. par an, dès la première année, parce qu’on était content de lui.

À partir de ce moment, les symptômes paralytiques diminuèrent concurremment avec les phénomènes du délire ; la malade commençait à travailler à la couture, s’habillait avec soin et propreté, avait une conduite très régulière, était bonne et prévenante pour tout le monde, marchait avec facilité, et il fallait de l’habitude pour constater chez elle de l’embarras dans la parole. Les fonctions organiques se sont remises, et la menstruation, qui avait été régulière