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Cette maladie étant très rare en France, peu de médecins français ayant pu l’observer directement, il est difficile d’émettre à son égard une opinion offrant quelque garantie de vérité. Qu’il existe dans cette affection une paralysie plus ou moins générale, c’est ce qui ne peut en rien nous étonner, puisque nous avons vu ces symptômes paralytiques se produire dans des conditions très diverses.

Après les réflexions que nous avons consignées dans ce chapitre, on ne peut donc songer à réunir une maladie avec la paralysie des aliénés, sous le simple prétexte qu’elle présente, avec elle, le symptôme commun d’une paralysie générale et incomplète. Du reste, cette paralysie ne paraît survenir que dans les derniers temps de la maladie, et semble avoir plus de ressemblance avec les paralysies périphériques, qu’avec la paralysie des aliénés. Enfin Brierre de Boismont, qui a aussi observé la paralysie pellagreuse en Italie dès 1830[1], n’est pas disposé, comme M. Baillarger, à croire à son identité avec la paralysie des aliénés. Je sais bien que M. Baillarger a observé plusieurs fois le délire ambitieux chez ces malades, ce qui serait une preuve très grande en faveur de l’opinion qu’il professe, puisque deux symptômes spéciaux se trouveraient ainsi réunis ; mais d’abord cet observateur est, je crois, le seul qui ait jusqu’à présent constaté ce fait. De plus, ne serait-il pas possible d’admettre que dans une contrée où la pellagre est fréquente et endémique, elle puisse frapper accidentellement des individus atteints de paralysie générale des aliénés, qui existent évidemment dans ce pays comme dans tout autre, ainsi que le constate M. Baillarger lui-même, et qu’il y ait alors simple coïncidence ? D’ailleurs, le trouble mental le plus commun dans la pellagre, même avec paralysie, ainsi que l’ont constaté tous les observateurs, c’est la mélancolie avec penchant au suicide ; état très rare, au contraire, si tant est qu’il existe, chez les aliénés paralytiques.

Nous pensons, en résumé, que, dans l’état actuel de la science, l’analogie qu’on a prétendu établir entre la pellagre et la paralysie des aliénés, au point de vue des symptômes physiques comme des symptômes moraux, ne peut être considérée comme

  1. Voir Supplément au Dictionnaire des Dictionnaires, de Fabre.