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tous se résumer par les mots d’agitation anxieuse ou craintive et d’hébétude ou de stupeur plus ou moins prononcée.

Nous nous sommes étendu longuement sur les désordres particuliers de l’intelligence qui surviennent dans l’alcoolisme aigu ou chronique, parce qu’ils sont généralement peu connus, et parce qu’ils nous paraissent pouvoir être utiles dans le diagnostic entre cette maladie et la paralysie générale des aliénés. Il suffit, dans ce but, de les opposer à ceux que nous avons indiqués dans la première partie de cette thèse comme propres aux aliénés paralytiques. Dans l’alcoolisme, en effet, l’état général de l’intelligence et du moral est caractérisé par la crainte, les tendances hypocondriaques, la conscience de son état, les illusions et les hallucinations multiples et spéciales de la vue, et enfin un degré plus ou moins marqué d’hébétude. La folie paralytique au contraire est caractérisée par l’activité intellectuelle, par des conceptions multiples, bizarres, absurdes, contradictoires et gigantesques, par le contentement de soi-même et la non-préoccupation de son état, l’absence presque absolue d’hallucinations ; enfin un certain degré de vivacité dans les idées, au milieu même de la faiblesse, de la démence commençante. On conçoit que ces deux tableaux, mis en regard l’un de l’autre, surtout lorsqu’on y joint les signes différentiels tirés de l’état physique, peuvent venir en aide au médecin, dans les cas difficiles.

Signes tirés de la marche. — Un dernier caractère distinctif très important entre les accidents alcooliques et la paralysie générale est celui que l’on peut tirer de la marche très différente de ces deux affections. La paralysie générale peut sans doute, comme nous avons cherché à le montrer, présenter de temps en temps des rémissions ou des intermittences dans son cours ; mais elles sont beaucoup moins fréquentes, et se produisent surtout beaucoup moins rapidement que celles qui caractérisent essentiellement la marche de l’intoxication alcoolique chronique. Celle-ci, en effet, est nécessairement intermittente ou du moins très notablement rémittente. En général, chez les individus atteints d’accidents alcooliques, même très prononcés, à moins que ceux-ci ne se soient renouvelés un très grand nombre de fois, et ne soient tout à fait invétérés, il suffit que ces malades se trouvent privés de boissons pendant un temps souvent assez court, pour qu’on voie diminuer considérablement ou