état physique. Presque toujours il s’en afflige, s’en préoccupe très péniblement, et présente une disposition hypocondriaque évidente ; il raconte avec complaisance, les divers phénomènes qu’il éprouve à tous ceux qui l’entourent, se soigne lui-même ou va consulter plusieurs médecins, ou bien, comme il le dit, cherche dans l’emploi de l’excitant qui lui est habituel le moyen d’éclaircir ses idées. D’autres phénomènes très fréquents à ce degré de l’alcoolisme chronique et très importants à signaler, ce sont les illusions et les hallucinations de la vue. Elles sont nombreuses, caractéristiques, et rappellent celles de l’état aigu ; le malade les apprécie le plus souvent à leur juste valeur, ce qui les différencie singulièrement des hallucinations des autres formes de maladies mentales, et ce qui pourrait même porter à penser qu’elles sont de simples sensations subjectives. Les malades voient devant eux, sur les murs, sur le sol ou sur les objets qui les environnent, une foule de petits objets scintillants, des insectes, des animaux variés, des serpents ou d’autres objets mobiles et effrayants ; ils éprouvent surtout ces phénomènes pendant la nuit alors qu’ils sont éveillés, mais ils les ressentent aussi fréquemment en plein jour. Indépendamment de ces fausses perceptions de la vue, qui peuvent être très variées et dont le malade a conscience, il se produit aussi très souvent chez eux des rêves nombreux et des cauchemars pendant le sommeil, qui peuvent être difficiles à distinguer des hallucinations de la veille, mais qui sont également très fréquents et très caractéristiques de cette forme de l’intoxication alcoolique. Ils existent chez ces malades alors même qu’il n’y a pas encore d’autres manifestations du trouble de l’intelligence, ou bien en même temps que les hallucinations et le degré modéré d’hébétude dont nous venons de parler. Tels sont les troubles de l’intelligence qui accompagnent le plus ordinairement les phénomènes physiques dont nous avons parlé précédemment. Il est juste d’ajouter cependant que, dans un certain nombre de cas, les traits en sont encore plus nettement accusés ; on observe alors de temps en temps des désordres intellectuels qui se rapprochent beaucoup plus du délire agité, incohérent et complet des premières périodes, ou bien une sorte d’abrutissement qu’on peut comparer aux démences les plus avancées. Ces phénomènes ne sont que l’exagération de ceux que nous avons décrits précédemment, et ils peuvent
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