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toutes sortes, les monstres les plus hideux et les plus terribles, le jettent dans une terreur panique, à laquelle il cherche à échapper, en se précipitant par la première issue qui se présente à lui. Il entend des détonations de coups de fusil ou de pistolet, des voix menaçantes qui le jettent dans la plus profonde terreur, ou bien il aperçoit des abîmes et des précipices ouverts sous ses pas. À ces symptômes d’excitation, se joignent de temps en temps, et succèdent presque toujours, des phénomènes de stupeur, d’hébétude, et d’obtusion des facultés intellectuelles ; ces phénomènes deviennent de plus en plus marqués, à mesure que l’accès approche de sa fin, et durent jusqu’au moment où un sommeil très intense et souvent très prolongé vient terminer l’accès. Alors le malade conserve ordinairement, pendant quelque temps, un certain degré d’hébétude, d’affaissement physique et moral ; enfin, le plus souvent, il n’a pas gardé le moindre souvenir de tous les faits qui se sont passés pendant son délire, quoique ses idées aient semblé assez nettes pendant ce temps et qu’il ait paru en avoir parfaitement conscience. Cette description rapide d’un accès de delirium tremens aigu ne suffirait pas pour donner une idée exacte des désordres intellectuels qui accompagnent souvent l’intoxication alcoolique chronique ; mais elle en contient déjà plusieurs traits importants qui s’y retrouvent en quelque sorte en raccourci : par exemple, la disposition triste et craintive générale, les illusions et les hallucinations nombreuses et prédominantes de la vue, et enfin la stupeur et l’hébétude, qui seulement prédominent ici sur l’excitation.

Délire alcoolique chronique. — L’individu atteint de trouble de l’intelligence causé par une intoxication alcoolique prolongée est ordinairement dans un état d’hébétude plus ou moins prononcée, surtout dans le moment où les accidents physiques sont plus marqués, c’est-à-dire après un nouvel excès. Il éprouve surtout une diminution notable de la mémoire et peut même avoir oublié, dans le moment, les faits les plus importants de sa vie ou de sa maladie. Les idées sont obscurcies et le cours en est ralenti ; souvent il peut encore comprendre la plupart des questions qu’on lui adresse, et ses idées sont même assez suivies ; mais il présente une obtusion évidente des facultés intellectuelles ; fréquemment aussi il a conscience de cet état de son intelligence, comme d’ailleurs de son