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chronique. Comme nous avons principalement en vue ici les accidents physiques chroniques, il semblerait que nous ne devrions nous occuper que des désordres également chroniques de l’intelligence qui les accompagnent souvent ; mais d’abord, ces troubles ont été trop peu étudiés dans leurs détails, pour qu’on puisse en donner une description suffisamment exacte ; d’ailleurs la connaissance des troubles aigus est indispensable pour le diagnostic. En effet, chez les individus atteints de paralysie alcoolique, il a presque toujours existé, à une période antérieure de leur affection, des accès de delirium tremens, dont le compte rendu fait par les parents ou les malades peut éclairer le médecin. De plus, les désordres chroniques de l’intelligence conservent souvent eux-mêmes, sans agitation, plusieurs des traits propres aux troubles aigus, et en sont en quelque sorte un diminutif. Au milieu même de l’état d’abrutissement intellectuel de la forme chronique, il s’intercale assez fréquemment, soit spontanément, soit sous l’influence de nouveaux excès, des phénomènes d’excitation qui rappellent ceux des périodes aiguës. Les liens qui existent entre les phénomènes de l’état aigu, ou delirium tremens proprement dit, et ceux de l’état chronique sont donc si intimes, qu’il est presque impossible d’étudier les uns sans les autres.

Délire alcoolique aigu. — Je n’ai pas à décrire ici, même en abrégé, les symptômes les plus ordinaires du delirium tremens. On commence cependant à reconnaître que ce délire présente chez les divers sujets quelques caractères communs. M. Delasiauve a cherché à les faire ressortir, et il a indiqué plusieurs des symptômes qui permettent de le reconnaître[1]. Comme dans le délire produit par les solanées vireuses, l’individu atteint de délire alcoolique aigu est dans un état d’agitation extrême et incessante, caractérisée surtout par la panophobie, la mobilité anxieuse, la crainte sous toutes ses formes, et les hallucinations nombreuses et effrayantes, principalement de la vue. Il va et vient dans tous les sens, se croit sans cesse poursuivi, se retourne à chaque instant, comme pour voir un homme ou un objet quelconque qui s’avance vers lui ; il voit comme une fantasmagorie perpétuelle passer devant ses yeux et marcher à sa rencontre, et il recule d’épouvante. Les insectes, les animaux de

  1. Delasiauve, D’une forme grave de delirium tremens aigu. (Revue médicale, 1852.)