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crainte de ne pouvoir plus se soutenir, et il a de la tendance à s’appuyer sur les objets voisins, pour éviter une chute qui lui paraît imminente ; il éprouve, en un mot, un sentiment de faiblesse radicale. D’ailleurs, cet affaiblissement existe au même degré dans les bras et dans les jambes, souvent même commence par les bras, tandis que, dans la paralysie générale, si un tremblement très peu marqué des bras est un des premiers indices de la maladie, il n’en est pas moins vrai que la prédominance de débilité dans les jambes, signalée par M. Calmeil, reste généralement exacte. Le tremblement lui-même peut fournir des signes différentiels importants ; c’est ordinairement le premier signe de la paralysie alcoolique ; il est constant, très marqué, visible à première vue, et porte sur toutes les parties du corps à la fois ; tandis que, dans la paralysie générale, il manque souvent, est, dans presque tous les cas, à peine sensible, excepté pour un observateur exercé, n’existe guère que dans les bras, les jambes, la langue et la lèvre supérieure, ne se montre pas à la tête et au tronc, dans tous les cas, ne se manifeste pas par une trémulence générale, imprimant une secousse à tous les corps avec lesquels le malade se trouve en contact.

Le tremblement de la langue peut exister dans les deux cas, mais il est ordinairement plus marqué et beaucoup plus saillant chez les sujets soumis à l’intoxication alcoolique que chez les aliénés paralytiques. C’est précisément l’inverse pour l’embarras de la parole, qui ne paraît pas du tout en rapport, comme on le croit généralement, avec le tremblement de la langue et des lèvres. Ce signe, si caractéristique et si essentiel dans la paralysie des aliénés, manque très souvent, au contraire, dans l’intoxication alcoolique, malgré un tremblement très marqué de la langue et des lèvres, et lorsqu’il existe, ce qui arrive de temps en temps, il a des degrés d’intensité plus variables d’un moment à l’autre, et est beaucoup plus intermittent.

Après ces caractères différentiels tirés des lésions des mouvements, il en est d’autres qui dérivent des lésions de la sensibilité. Le plus important de tous réside dans l’anesthésie, qui accompagne presque toujours, à un degré très marqué, les troubles des mouvements dans l’alcoolisme ; elle en suit en quelque sorte les degrés, depuis le simple engourdissement jusqu’à l’émoussement, à l’obtusion et