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saire. Aussi croyons-nous devoir dire quelques mots des signes différentiels qui nous paraissent pouvoir être établis entre elles, et que nous empruntons au Dr Huss, et surtout au Dr Lasègue, ou que nous puisons dans nos propres observations. Nous croyons devoir insister ici principalement sur les signes psychiques, qui ont été trop négliges et qui, suivant nous, sont loin d’être sans valeur, comme le prétendent certains auteurs. Nous diviserons cet examen en signes physiques, signes psychiques, et signes tirés de la marche.

Signes physiques. — Plusieurs symptômes de l’alcoolisme chronique ressemblent à ceux de la paralysie générale au début. Nous chercherons les moyens de diagnostic, soit dans l’existence de quelques signes propres à chacune de ces affections, soit plutôt dans les différences que présentent chacun des signes communs aux deux maladies. La paralysie est, dans les deux cas, incomplète et atteint à la fois la plupart des parties du corps, mais elle offre plusieurs caractères différentiels. Dans l’alcoolisme, elle commence ordinairement par les extrémités des doigts, des orteils, qui sont d’abord engourdis et inhabiles avant d’être réellement affaiblis ; elle gagne ensuite les mains et les avant-bras jusqu’aux coudes, et les pieds et les jambes jusqu’aux genoux ; le plus souvent, elle se limite dans ces points qui deviennent aussi ordinairement le siège des divers désordres de la sensibilité, dont nous parlerons tout à l’heure. Dans la paralysie générale, au contraire, les lésions de la motilité, à des degrés divers, existent dans toute l’étendue du membre, et surtout ne débutent pas exclusivement par les extrémités. La paralysie est d’ailleurs différente non seulement par son siège, mais par ses caractères, à la période où l’erreur est la plus facile entre ces deux maladies.

Dans la paralysie des aliénés, en effet, ainsi que l’a très bien fait remarquer le Dr Lasègue, la lésion de la motilité consiste beaucoup plus, au début, dans une irrégularité des mouvements, avec saccades et violence d’impulsion, que dans une véritable débilité. La paralysie alcoolique, au contraire, consiste réellement dans la faiblesse : les bras ne peuvent soulever un fardeau et peuvent difficilement serrer les objets ; le malade éprouve de la difficulté à écrire, à travailler ; les jambes ont de la peine à soutenir le poids du corps, et le malade sent ses genoux faiblir sous lui ; il répugne à marcher, dans la