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côté, le Dr Huss, qui signale cette erreur commise par M. Lunier, me paraît tomber dans un excès contraire, en disant que la plupart des faits rapportés sous le nom de paralysie progressive sans délire ne sont probablement que des paralysies alcooliques ; il cite, du reste, lui-même, comme exemple de paralysie alcoolique avec trouble de l’intelligence, deux ou trois observations empruntées à des asiles d’aliénés, et qui me paraissent devoir rentrer légitimement dans le cadre de la folie paralytique, malgré l’existence d’excès alcooliques qui doivent figurer simplement, selon moi, comme cause de la maladie.

Quoi qu’il en soit de ces interprétations variées de faits particuliers, dans les détails desquels nous ne pouvons entrer ici, cette variété d’interprétation même est utile à constater pour prouver que, non seulement la confusion est possible entre la paralysie générale et la paralysie alcoolique, mais qu’elle a dû souvent avoir lieu. Or cette erreur est fâcheuse à tous les points de vue. Elle est fâcheuse au point de vue de la science et de la description exacte de ces deux affections, auxquelles on emprunte aujourd’hui indistinctement certains signes pour les faire figurer comme caractères d’une maladie nouvelle, la paralysie progressive, que l’on ne décrit souvent comme unité distincte, qu’en la constituant à l’aide d’éléments empruntés à des états et à des maladies diverses. Cette erreur est encore plus déplorable au point de vue de la pratique. La distinction, en effet, est de la plus haute importance pour le pronostic, puisque les paralysies alcooliques n’ont ni la même marche ni la même gravité que la paralysie des aliénés. En effet, elles sont intermittentes, guérissent souvent rapidement par la simple privation des boissons, ne se reproduisent que sous l’influence de nouveaux abus, enfin ne conduisent pas fatalement, et dans un temps donné, les malades à la démence, à l’incurabilité et à la mort.

Enfin cette erreur est encore plus fâcheuse pour le traitement, puisque les paralysies alcooliques étant curables, peuvent être traitées avec espoir de guérison, tandis que, jusqu’à présent du moins, la paralysie des aliénés a résisté à tous les moyens thérapeutiques. Dans tous les cas d’ailleurs, la nature des deux maladies étant différente, le traitement devrait très probablement différer également. La distinction pratique entre ces deux espèces de paralysies est donc néces-