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éteinte dans les extrémités des pieds et des mains ; le tremblement est général et très marqué ; enfin, les troubles et les illusions de la vue sont très fréquents, plus intenses, et peuvent même être portés jusqu’à un commencement de délire. Dans d’autres cas, enfin, il y a eu antérieurement chez le malade un ou plusieurs accès de delirium tremens, ou bien, dans le moment même où le médecin l’examine et observe les phénomènes paralytiques, il constate en même temps un trouble plus ou moins manifeste de l’intelligence.

Ce désordre peut se produire, soit sous la forme d’obtusion ou de stupeur plus ou moins marquée, soit sous celle de subdelirium léger et intermittent, incohérent dans certains moments, et assez suivi dans d’autres ; il est principalement caractérisé par des illusions et des hallucinations de la vue, des frayeurs et des craintes incessantes, de l’hébétude, de l’absence de conscience du lieu où l’on se trouve, des idées de persécution, et souvent même de la panophobie.

Cette description des principaux symptômes des paralysies alcooliques, accompagnées ou non de trouble de l’intelligence, suffit pour faire sentir combien, dans certains cas, le diagnostic entre cette maladie et la paralysie doit être difficile, dans l’état actuel de la science.

Qui ne voit, en effet, dans ce tableau de l’alcoolisme chronique, une ressemblance extrême avec certains traits attribués par plusieurs auteurs modernes à la paralysie progressive avec ou sans délire ? Aussi accordera-t-on facilement qu’on a dû souvent confondre ces deux maladies ; quelques auteurs même prétendent que cette confusion doit avoir lieu. Lunier, par exemple, dit qu’un médecin belge a décrit sous le nom de delirium tremens chronique une maladie qui n’est évidemment que la paralysie générale progressive, encore peu connue à l’étranger ; d’ailleurs, parmi les faits qu’il cite lui-même comme exemples de paralysie progressive, il y en a un au moins[1] qui, d’après les détails mêmes de l’observation, paraît devoir rentrer dans le cadre des paralysies alcooliques, autant du moins qu’il est possible de juger de la nature exacte d’un fait alors que l’on n’a pas eu soi-même le malade sous les yeux. D’un autre

  1. Lunier, Obs. 2.