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effet une durée ordinairement temporaire et un caractère intermittent comme la maladie dont il dépend. Mais les faits qui prêtent davantage à la confusion, et dont le diagnostic différentiel est plus difficile à établir qu’on ne le croit généralement, ce ne sont pas les faits de delirium tremens aigu, avec tremblement ou même avec embarras de la parole, ce sont les accidents plus réellement paralytiques, produits lentement par une intoxication alcoolique passée à l’état chronique. Ces faits, jusqu’ici peu étudiés, sont cependant assez fréquents, mais on en méconnaît généralement la véritable nature. On les confond, tantôt avec les cas aigus, sous le nom de delirium tremens, ou même sous celui de delirium tremens chronique ; tantôt avec d’autres aliénations mentales, sous les noms de manie ou de démence, lorsque les troubles psychiques prédominent, ou bien avec la paralysie générale des aliénés, lorsque les signes physiques et moraux coïncident ; tantôt avec les paralysies progressives sans délire ou d’autres espèces de paralysies, quand les accidents paralytiques existent seuls. Ils mériteraient certainement de devenir l’objet d’une étude particulière, soit par eux-mêmes, soit relativement à la question qui nous occupe. Cette lacune de la science a été en partie comblée par un ouvrage très intéressant et plein de faits bien observés, publié par le Dr Magnus Huss, professeur de clinique médicale, et médecin d’un grand hôpital à Stockholm[1]. Cet ouvrage, auquel on pourrait peut-être reprocher, comme à la plupart des monographies, d’avoir trop étendu le cercle des accidents alcooliques, est conçu dans un esprit d’observation sévère et délicate, qui en rend la lecture très utile au point de vue du sujet que nous traitons. Le Dr Lasègue a fait suivre le compte rendu qu’il a donné de ce livre[2], de quelques pages de diagnostic différentiel, pleines d’intérêt, puisées dans ses propres observations, et auxquelles nous ferons de nombreux emprunts.

Pour comprendre combien il est facile, dans la pratique, de confondre les paralysies alcooliques avec la paralysie générale des aliénés, surtout débutant sans délire, il suffit d’avoir observé quelques

  1. Magnus Huss, Alcoholismus chronicus, Stockholm, 1852.
  2. Lasègue, Archives générales de médecine, 1852.