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dans quelle voie on devrait s’engager pour arriver le plus promptement possible à ce résultat si désirable, but définitif de toute science digne de ce nom.

§1er. — Classifications naturelles dans les sciences.

Je ne puis m’étendre longuement sur l’utilité des classifications en général, ni sur la supériorité que présentent les méthodes dites naturelles, ayant pour base un ensemble de phénomènes, sur les classifications artificielles ou systématiques, qui ne reposent que sur un petit nombre de faits, ou même sur un seul caractère. Ce sont là des généralités applicables à toutes les sciences, que nous ne pouvons que rappeler et non développer ici.

Certaines personnes, à l’époque actuelle, sont disposées à nier l’utilité des classifications et à les considérer comme une œuvre stérile, qui nuit plus qu’elle ne sert à l’avancement de la science.

Parler ainsi, c’est nier la nature essentielle de l’esprit humain et la tendance instinctive qui le porte, malgré lui, à rapprocher les faits par leurs analogies, à les séparer par leurs différences, et qui l’oblige impérieusement à rechercher des lois générales, propres à lui servir de guide au milieu de la multiplicité des faits particuliers.

Cette tendance est tellement inhérente à l’esprit humain, c’est une nécessité si absolue de sa nature, qu’elle se manifeste dans l’enfance des individus comme dans l’enfance des peuples. C’est elle qui porte instinctivement les enfants à saisir d’abord les caractères généraux des objets, avant d’en apprécier les divers détails ; c’est elle qui préside à la formation des langues chez les peuples primitifs, où les idées générales, telles que l’idée d’arbre, par exemple, sont exprimées avant les idées particulières de chêne, de peuplier, etc.

En partant de cette synthèse primitive, faite d’emblée, par un acte spontané d’abstraction de l’esprit, l’homme descend peu à peu, par une analyse de plus en plus exacte, la pente insensible qui l’amène progressivement de ces idées générales à la connaissance de plus en plus parfaite des faits particuliers. Mais après cette longue période analytique, l’esprit humain ne peut plus se reconnaître au milieu des diversités individuelles ; il éprouve le besoin impérieux de