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entre les idées de grandeur des divers aliénés paralytiques, et de ne pas trouver dans ce fait, ainsi que dans celui des caractères généraux du trouble de leur intelligence, un argument bien puissant en faveur de la spécialité de cette forme de maladie mentale.

Pour compléter l’exposé des caractères des idées délirantes chez les paralytiques, il convient d’ajouter, ce que nous avons déjà indiqué précédemment, que leurs idées maladives n’ont pas toutes le cachet de la grandeur ou de la satisfaction. Il existe souvent chez eux une foule de conceptions délirantes, extrêmement singulières, qui surgissent spontanément sans qu’on puisse les rattacher à rien, qui sont ordinairement temporaires, et dont la nature, souverainement absurde, révoltante même d’absurdité, me paraît également bien caractéristique de cette espèce de maladies mentales. Très souvent, en effet, on entend des paralytiques, même à une période peu avancée de leur affection, raconter qu’ils ont eu les bras cassés un grand nombre de fois et immédiatement remis, qu’ils sont morts plusieurs fois, qu’ils ont eu, à plusieurs reprises, la tête coupée et remise, qu’ils ont une tête de plomb, qu’ils n’ont ni bouche ni estomac, etc. Le caractère absurde, spontané et temporaire, de ces conceptions délirantes, qui se produisent fréquemment chez eux, mérite d’être signalé. Souvent aussi on constate chez ces aliénés quelques idées tristes, craintives ou hypocondriaques passagères, qui participent des caractères que nous venons d’assigner aux autres conceptions délirantes. Assez fréquemment, en effet, il arrive qu’un paralytique vient vous annoncer en pleurant la mort d’un de ses parents ou tout autre événement malheureux ; mais, le plus souvent, ces idées n’ont qu’une courte durée, et sont même remplacées, au moment où le malade les raconte, par un sourire de satisfaction et par l’expression de ses idées prédominantes habituelles.