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une formule identique pour l’expression de ces idées. Il est cependant quelques variantes, surtout au début, qu’il importe de signaler, pour ne rien exagérer.

Certains paralytiques ne présentent pas d’idées de grandeur déterminées, mais éprouvent simplement un sentiment général de satisfaction. Ils disent, avec l’expression d’un contentement vrai, qu’ils ne s’inquiètent de rien, qu’ils sont heureux et contents de tout. C’est là le premier degré de la satisfaction. Le plus souvent, il n’existe que pendant un certain temps et il ne tarde pas ordinairement à se formuler de la même manière que chez les autres paralytiques. Dans d’autres cas, on peut croire, au premier abord, à l’existence de cette simple satisfaction générale, surtout lorsque les malades, interrogés dans le sens des préoccupations habituelles, disent par exemple n’avoir pas de fortune ou ne faire aucun projet. Mais souvent, dans ces cas mêmes, on finit par découvrir des idées de grandeur et de satisfaction dans une direction quelconque ; ainsi, le malade dit tout à coup, avec l’expression de la joie la plus vive, qu’il est très fort dans son état ; un malade que j’ai eu l’occasion d’observer dans cette situation disait, par exemple : Je suis un des premiers tailleurs de Paris.

Enfin il est d’autres aliénés paralytiques, surtout dans les formes débiles ou bien au début de leur affection, dont les prétentions sont assez minimes. Ils se croient seulement dans une position un peu plus élevée que la leur, indiquent une somme assez modique comme produit de leur gain ou d’un héritage, ou bien encore leurs prétentions restreintes sont en rapport avec leur état de dénuement antérieur ; mais le plus souvent ces idées de grandeur, modérées, plausibles, et admissibles jusqu’à un certain point, et dont la fausseté ne peut être démontrée que par les renseignements des parents, n’existent, à ce degré, que dans les commencements de la maladie. Bientôt, soit tout à coup (car cette transformation peut s’opérer dans l’espace d’une nuit), soit petit à petit, et après avoir franchi assez rapidement tous les échelons de la grandeur, après être montés en grade en quelque sorte, les paralytiques arrivent aux idées de grandeur, vraiment spéciales. Leur caractère principal peut être résumé en disant qu’elles sont gigantesques et qu’elles atteignent les limites extrêmes auxquelles puisse parvenir l’imagination