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nombreuses et variées, avant que son esprit se fixe à quelques-unes d’entre elles ; en un mot, il n’a pas encore trouvé la formule nécessaire pour donner un corps à la disposition psychique produite en lui par la maladie. Sa situation mentale pendant cette période représente le doute, le combat, la lutte ; c’est un état d’indécision vague dans lequel l’esprit hésite entre les idées les plus variées, sans se fixer à aucune. À la longue, plusieurs de ces idées entretenues de préférence par la disposition intérieure et modifiées selon le caractère antérieur, l’éducation et les habitudes du malade, selon les idées régnantes à l’époque sociale ou suivant des circonstances tout à fait individuelles, déterminent enfin son choix ; il adopte les formules d’idées délirantes qui sont le plus en rapport avec la nature spéciale de la maladie et avec ses idées ou ses habitudes antérieures. Alors l’aliéné peut bien encore être indécis, pendant longtemps, sur les divers développements de ces conceptions délirantes ; le travail de composition et de coordination de tout le roman de son délire reste encore à faire, et c’est là l’effet d’un temps souvent fort long ; mais un premier pas très important se trouve accompli dans l’évolution du délire. Après bien des hésitations, l’esprit s’est enfin arrêté à un certain nombre de points (car jamais il ne s’arrête à un seul), qui deviendront le centre, le point de départ et l’aboutissant principal de la plupart des idées qui circuleront dans la tête de l’aliéné pendant la seconde période. Dans cette période, que nous appellerons période de systématisation, le malade édifie autour de ces points fondamentaux auxquels il s’est arrêté tout l’échafaudage de ses idées délirantes ultérieures. C’est encore là une période aiguë, puisque l’esprit continue à être actif et dans un travail de composition continuel. Ce travail, pour ne plus porter exclusivement sur les bases mêmes du délire, n’en est pas moins considérable ; non seulement il roule sur les développements innombrables dont les idées premières sont susceptibles, mais il en modifie encore plusieurs points essentiels, et quelquefois même la nature intime. Il y a encore là une grande activité de composition qui suppose de l’acuité dans la maladie et qui prouve qu’elle n’est pas arrivée à un degré complet de développement où elle doive rester stationnaire, à la période d’état, ou bien passer à la chronicité ou à la guérison.