Page:Falret - Études cliniques sur les maladies mentales et nerveuses, 1890.djvu/11

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mation scientifique qui doit aboutir tôt ou tard au renversement complet de l’édifice.

Nous n’attendons plus que la main puissante d’un nouvel architecte, capable, non-seulement de le renverser, mais d’en construire un nouveau destiné à le remplacer ; car on ne détruit réellement que ce que l’on remplace.

Des tentatives variées ont été faites dans ce sens depuis une trentaine d’années et ont déjà produit des résultats partiels très dignes d’attention. Mais le travail d’ensemble n’existe pas encore. Nous avons fait, depuis cinquante ans, de véritables découvertes sur les terrains nouveaux de la pathologie mentale. Nous avons parcouru des territoires inconnus jusque-là, dont nous avons mieux étudié les contours, la topographie et les délimitations. Nous avons conquis de nouvelles provinces dans le domaine de la médecine mentale, et nous devons les conserver avec soin, sans permettre qu’on vienne nous les enlever, parce qu’elles sont désormais acquises à la science. Mais il est beaucoup d’autres régions encore mal connues, mal étudiées ou incomplètement explorées dont la découverte appartient à l’avenir. Nous sommes loin d’avoir parcouru complètement le vaste domaine de notre science spéciale. N’oublions donc pas que nous sommes dans une période de transition et de transformation, et ne nous livrons pas à des généralisations hâtives et prématurées. Contentons-nous de ce que nous avons déjà acquis et unissons nos efforts pour arriver à de nouvelles découvertes et pour cultiver en commun le vaste champ de la science. Nous ne sommes pas encore arrivés à l’époque des formules définitives et d’une systématisation générale. Gardons-nous donc, par dessus toutes choses, d’un dogmatisme prématuré et des formules trop arrêtées d’une science encore incomplète. Évitons surtout de nous renfermer dans un cercle d’idées trop étroit, qui arrêterait le mouvement de la science au lieu de le favoriser, et ne promulguons pas les dogmes d’une petite église exclusive et systématique, qui, en excommuniant tous les dissidents, comme des hérétiques, enrayerait la marche de la science, au lieu de contribuer à son avancement et à ses progrès !

Jules Falret.

Paris, septembre 1889.