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sique et morale, de confusion, ou bien, au contraire, d’exaltation, de suractivité physique et intellectuelle, qui domine toute sa sensibilité et tout son être. Dans cet état, qui signale la période vraiment aiguë de la folie, des idées singulières et erronées, appelées et fomentées par l’état général maladif de l’intelligence et de la sensibilité, circulent dans son esprit, paraissent et disparaissent. Le malade caresse plusieurs d’entre elles avec prédilection, repousse mollement les autres ; il en est enfin quelques-unes qui s’imposent à lui avec plus ou moins de persistance ou de ténacité et dont il ne peut se débarrasser. Mais son esprit, péniblement affecté et confus, dans un état de trouble assez étendu, ne s’arrête à aucune, flotte indécis entre ces diverses pensées qui s’offrent à lui d’une manière si inattendue, et dont les unes ne sont nullement assimilables à son état intérieur, tandis que les autres semblent, au contraire, naturellement appelées par lui. Incertain et vaguement agité par un monde d’idées tout nouveau, et qui contraste singulièrement avec ses préoccupations antérieures, il passe de la crainte à l’étonnement, compare péniblement son état actuel à son état passé, s’en étonne et s’en afflige, a une demi-conscience de son état, manifeste souvent la crainte de devenir aliéné, et supplie de lui venir en aide pour sortir de la fâcheuse situation dans laquelle il se trouve. Constamment occupé de son observation intérieure, il rompt avec le monde extérieur, qui le blesse ou l’irrite, et avec lequel il ne se trouve plus en harmonie, par suite du changement complet qui s’est opéré en lui à son insu ; les séries d’idées nouvelles qui surgissent à chaque instant dans son esprit se reproduisent de plus en plus, s’imposent avec plus de force, le préoccupent plus impérieusement et commencent à le dominer plus tyranniquement. Tout ce qui se passe au dehors est interprété dans le sens de ces idées nouvelles et vagues ; une anxiété générale le porte à tout considérer comme conspirant contre son bonheur ou son repos ; ou bien, au contraire, un prisme favorable lui fait tout transformer, autour de lui, dans le sens de ses préoccupations ; mais il hésite encore dans l’interprétation qu’il doit donner pour se rendre compte à lui-même de cette métamorphose qui lui paraît s’être produite dans le monde extérieur, tandis qu’elle s’est effectuée en réalité dans son monde intérieur.

Les hypothèses, les explications se présentent et disparaissent,