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Pour tracer le tableau des caractères spéciaux du délire paralytique, nous devons faire abstraction des formes tout extérieures de délire partiel, de manie et de démence. Ces mots n’indiquent, selon nous, chez ces malades, que des prédominances de calme ou d’agitation, de raison ou de faiblesse intellectuelle ; ils ne représentent pas exactement leur état intérieur véritable qui nous paraît tenir le milieu entre ces trois formes, sans appartenir réellement à aucune d’elles. Chez eux, en effet, le délire partiel n’existe presque jamais sans un mélange d’agitation ou de faiblesse, et la manie ou la démence, sans idées délirantes prédominantes.

Le tableau que nous allons esquisser se rapportera donc à l’état intérieur de ces malades, sans acception des différences extérieures sur lesquelles on a l’habitude de fixer exclusivement l’attention ; cependant, nous aurons surtout en vue la variété dite monomaniaque, parce que c’est la plus fréquente, la plus intéressante et la plus utile à étudier.

Le meilleur moyen de faire connaître nettement ces caractères un peu complexes, nous paraît être de tracer successivement deux tableaux parallèles représentant l’un, les aliénés partiels ordinaires, aux diverses périodes de leur maladie, et l’autre, les aliénés paralytiques. Les différences nombreuses qui existent entre ces deux ordres de malades ressortiront ainsi naturellement de la comparaison entre ces deux tableaux.

État mental des délires partiels. — L’aliéné partiel ordinaire ne se présente pas toujours à l’observateur sous la même forme générale ; il faut donc commencer par faire un exposé rapide des phases par lesquelles il passe, avant de pouvoir l’opposer à l’aliéné paralytique. On a trop souvent conçu et décrit l’aliéné partiel comme un homme sain d’esprit, ayant dans sa tête une idée erronée, fixe ou prédominante. Rien de plus faux, en théorie ou en pratique, que cette manière de concevoir le délire partiel, et la monomanie en particulier ; mais ce n’est pas ici le lieu d’entrer dans des développements à cet égard. L’aliéné partiel doit être considéré comme présentant, dans l’évolution de sa maladie, trois phases bien distinctes. La première est celle d’incubation ou de production des idées délirantes. Le malade se trouve alors plongé, plus ou moins rapidement, par l’effet de sa maladie, dans un état vague d’anxiété, de dépression, de tristesse, de prostration phy-