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NOTES

antiquité, allégorisa tous ces récits, les enveloppa d’idées physiques et cosmiques, et les transmit aux chefs des orgies et aux prophètes qui présidaient aux sacrifices.

Ceux-ci, cherchant surtout à en augmenter l’importance, les communiquèrent à leurs successeurs et aux initiés, au nombre desquels était Isiris, l’inventeur des trois lettres, le frère de Chna, qui fut surnommé le Phénicien. »

Ensuite il continue en ces termes :

« Les Grecs, qui ont surpassé tous les peuples par l’étendue de leur esprit, se sont approprié la plupart de ces anciennes histoires, les ont surchargées d’ornemens ambitieux, et, dans le dessein de plaire par le charme de leurs fables, les ont diversifiées à l’infini. C’est de là qu’Hésiode et les autres poëtes cycliques, si renommés, ont forgé leurs théogonies, leurs gigantomachies, leurs titanomachies et ces morceaux, détachés qu’ils ont inventés à plaisir en étouffant la voix de la vérité.

Nos oreilles, nourries de leurs fictions et prévenues en faveur de tant de siècles, conservent comme un dépôt cet amas de fables qui leur a été transmis, ainsi que je l’ai dit au commencement. Ces fables, dont la croyance a été fortifiée par le temps, ont acquis une autorité difficile à détruire, de sorte que la vérité même paraît un mensonge et que ces traditions mensongères semblent la vérité.

Tels sont les récits tirés de Sanchoniathon, traduits par Philon de Byblos et regardés comme authentiques par le philosophe Porphyre. »




NOTES SUR LA THÉOGONIE.

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(1) Guiet a regardé comme supposés les cent quinze premiers vers de la Théogonie. Heyne pense que le début n’est qu’un assemblage de plusieurs exordes distincts composés par divers chantres. Il remarque une poésie différente depuis le cinquième vers jusqu’au onzième, du onzième au vingt-quatrième, et de celui-ci au trente-cinquième. Un autre rhapsode, suivant lui, a intercalé l’exorde placé entre ce dernier vers et le cinquantième. Wolf croit reconnaître dans le commencement du poëme la manière des anciens rhapsodes, qui, avant de chanter les poésies des autres, avaient coutume de réciter quelques fragmens de leurs propres vers. Ces sortes de préfaces poétiques renfermaient ordinairement les louanges des dieux, des déesses et des Muses, célébrées dans le style de l’épopée ; comme elles étaient souvent répétées et mises par d’autres chantres à la tête des poëmes antiques, on ne doit pas s’étonner qu’elles y soient demeurées tellement attachées qu’on les a confondues avec les poëmes eux-mêmes et conservées sous le nom d’un seul auteur. Wolf signale dans ce début ; qu’il compare à un hymne, beaucoup de pensées incomplètes ou incohérentes et plusieurs hémistiches empruntés d’Homère.

Toutes ces remarques sont justes : on ne trouve pas d’unité de conception dans l’exorde de la Théogonie, mais il nous est impossible de spécifier ce qui appartient à Hésiode ou aux rhapsodes ; nous nous bornerons à observer que tout ce morceau est fortement empreint du caractère de la poésie ancienne, qui, toujours liée à la religion, commençait par invoquer les dieux pour mettre en quelque sorte ses inspirations sous leur protection et leur sauvegarde. Toutefois la poésie d’Hésiode ne remonte pas si haut que celle d’Homère : Homère ne parle ni du nombre et du nom des Muses, ni de leur séjour sur l’Hélicon, ni du Parnasse, ni de l’Hippocrène.

Le nom de Muses vient, suivant Jean Diaconus, de deux mots : omou ousai (étant ensemble), et suivant Leclerc du mot phénicien motsa (inventrice), que les anciennes colonies de la Phénicie apportèrent en Grèce. D’après le système de Leclerc, qui donne à tout un sens historique, un chœur de neuf vierges, d’abord célèbre par ses talens en Béotie et en Thessalie, fut institué par Jupiter, roi de cette dernière contrée. Les âges suivans feignirent qu’elles avaient inventé la poésie, la musique et l’éloquence ; ils les divinisèrent et leur donnèrent pour mère Mnémosyne, parce que c’est la mémoire qui fournit les sujets de poëmes et de discours. Diaconus, dans ses allégories sur la Théogonie, voit en elles une image des âmes, qui, débarrassées des liens du corps, s’épurent en montant plus haut, et, devenant plus légères, connaissent la nature des choses, soulèvent le voile de toutes les vérités, comprennent l’harmonie des astres et pénètrent les mystères de la création. Les Muses sont la personnification des sciences humaines.

(2) Jupiter était honoré sur l’Hélicon. Les anciens élevaient des temples et des autels sur les montagnes. C’est sur les hauts lieux que les Persans et les Hébreux sacrifiaient. Le Mérou de l’Inde rappelle l’Olympe de la Grèce.

(3) Leclerc pense qu’Hésiode a fait chanter et danser les Muses pendant la nuit afin de ne pas laisser