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HYMNES.

le continent, et au sein des villes, et sur le sommet des montagnes, et dans les brillantes plaines lorsque j’y pose mes pieds, ô Dieu, père du monde !

La nuit m’amène à toi pour dire les louanges, ô souverain !

À toi le malin, à toi le jour, à toi le soir j’adresse mes hymnes.

J’ai pour témoin l’éclat resplendissant des astres, la course paisible de la lune, et l’immense soleil, qui est le modérateur des astres purs, l’arbitre saint des saintes âmes.

Je détache mes ailes de la vaste matière, pour m’élancer vers les parvis dans ton sein, joyeux d’arriver à ton vestibule sacré.

Je vais en suppliant, tantôt vers les temples saints où l’on célèbre tes mystères, tantôt sur la cime des hautes montagnes, tantôt dans les vallées profondes de la déserte Libye, rivage brûlé du Notus, et que ne souille jamais un souffle impie, que ne foule jamais le pied des hommes livrés aux soucis de la ville.

C’est là que mon âme, pure de passions, dégagée de désirs, exempte de travaux, de pleurs, de colère, de querelles, et secouant loin d’elle tous ces funestes enfans du cœur, t’adressera d’une voix chaste et d’une pensée pieuse, les hymnes qui te sont dus.

Paix dans les cieux et sur la terre ; que l’Océan se calme, que l’air fasse silence.

Taisez-vous souffle des vents ; arrêtez-vous tourbillons des flots impétueux, cours des fleuves, sources des fontaines.

Que le silence règne aux diverses régions du monde, pendant que j’adresse en sacrifice des hymnes sacrés.

Qu’ils se cachent sous terre les serpens sinueux, qu’il se cache sous terre aussi le dragon ailé, ce démon de la matière, ce nuage de l’âme, cet ami des idoles, qui excite contre nos prières les aboiemens de ses satellites.

Toi Père, toi bienheureux, défends contre les chiens voraces et mon esprit, et mon âme, et ma prière, et ma vie et mes œuvres.

Mais que l’offrande de mon cœur soit agréée de tes ministres augustes, pieux messagers des hymnes saints.

Me voici déjà au terme de mes chants sacrés ; déjà retentit dans mon cœur une voix divine. Ô bienheureux ! aie pitié de moi, Père pardonne-moi, si j’ai touché à ce qui te regarde, sans la décence, sans la pureté convenables.

Quel œil assez sage, quel œil assez perçant ne sera point ébloui de tes splendeurs ?

Contempler d’un regard fixe l’éclat de ton visage, c’est ce qui n’est pas donné même aux immortels.

Mais l’esprit tombant de tes hauteurs, embrasse tout ce qui l’environne, essaie de percer des mystères impénétrables, d’envisager la lumière qui brille dans ton immense profondeur.

Puis abandonnant ce qu’il ne peut atteindre, il pose un regard ferme sur tes œuvres éclatantes, et s’inspirant à la vue de cette lumière, il entonne tes louanges, fait taire les vents impétueux, te restitue ce qui t’appartient.

Eh ! quelle chose n’est pas tienne, ô roi ! ô le père de tous les pères ! ô le père de toi même !

Toi le père antérieur, toi qui es sans père, fils de toi-même, toi, l’unité qui précède l’unité ;

Toi, le germe des êtres, le centre de tout, esprit éternel et sans substance ; racine des mondes, lumière brillante des choses premières, vérité pleine de sagesse, source de sapience, esprit voilé de tes propres splendeurs, œil de toi-même, maître de la foudre, père des siècles, vie des siècles.

Toi qui surpasses les dieux, toi qui surpasses les intelligences, toi qui les gouvernes à ton gré.

Esprit père des esprits, toi qui donnes la naissance aux dieux, toi le créateur des âmes, toi qui les nourris ? Source des sources, principe des principes, racine des racines. Tu es la monade des monades, le nombre des nombres, la monade et le nombre ; tu es l’intelligence, l’être intelligent, l’être intelligible, tu es avant tout ce qui est intelligible.

Seul et tout seul en toutes choses, et seul avant toutes choses, germe de tout, racine et branche, nature parmi les intelligences, le mâle et la femelle.

L’âme initiée à tes profondeurs ineffables, et qui se meut autour d’elles, s’exprime en ces termes :