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ALCÉE,
TRADUIT PAR M. ERNEST FALCONNET.



VIE D’ALCÉE.


Alcée, inventeur du vers alcaïque vécut dans la quarante-quatrième olympiade, l’an 604 avant Jésus-Christ : il était contemporain de Sappho et habitait l’île de Lesbos. Ses poésies pleines d’invectives contre Pillacus, l’un des principaux habitans de Mitylène mis par l’histoire au nombre des sept sages de la Grèce, lui firent un ennemi redoutable et une persécution méritée. Il porta la peine de ses satyres, sa verve pleine d’âcreté et son orgueil turbulent le firent exiler. Alors il s’arma contre Mitylène ; mais sur le champ de bataille il prit la fuite. Tombé entre les mains de Pitlacus, il en obtint un pardon généreux. Une seconde circonstance nous donne un nouvel exemple de sa pusillanimité. Combattant contre les Athéniens, il jeta son épée et son bouclier qui gênaient, sa fuite." Les Athéniens victorieux les suspendirent en trophée dans le temple de Minerve. Pendant son exil Alcée avait voyagé, il avait visité l’Egypte ; il avait continué à s’abandonner aux charmes de la poésie. Il avait composé des odes, des hymnes, des épigrammes. Tour à tour il menaçait les tyrans et les frappait de tout le poids de sa colère :

Alcei minaces camœnœ. (Horace.)


Tantôt il célébrait les doux jeux de Vénus et de Cupidon, et la puissance aimable de Bacchus. Il était poëte par les idées et par l’expression. L’abondance et la simplicité splendide de son vers lui faisaient souvent égaler Homère ; Horace nous en a tracé un éloge magnifique d’un coup de crayon :

Et te sonantem plenius aureo
Alcee plectro…


Ce qu’on peut traduire ainsi :

Et loi Alcée qui lires de si beaux sons de ton archet d’or.

Le dithyrambe, tantôt enthousiaste et exalté comme l’ode, tantôt amer et menaçant comme la satyre, fut le genre où il excella. Aussi le grand critique latin Quintilien a-t-il écrit sur lui les lignes suivantes :

« Dans la partie de ses œuvres où Alcée attaque les tyrans, c’est avec raison qu’il mérite qu’on lui attribue un archet d’or. Il a une grande importance comme peintre de mœurs ; son style est serré, riche et rapide. Il a de la ressemblance avec Homère, mais il a tort d’abaisser à célébrer les jeux et les amours un talent créé pour un plus noble emploi. »

Il ne nous reste d’Alcée que quelques fragmens conservés par Athénée et Suidas, et recueillis par Henry Estienne à la suite de son Pindare.



FRAGMENS D’ALCÉE.

I.

Jupiter nous inonde des pluies glaciales par torrents, le ciel est obscurci par tous les frimas, bientôt l’hiver enchaînera le cours des fleuves impétueux. Chassons ce triste hiver en faisant briller nos foyers d’une flamme étincelante, en remplissant nos coupes du vin le plus délicieux.


II.

Buvons ! buvons ! Pourquoi attendre l’heure des flambeaux, l’éclat du jour ne nous suffit-il pas ? Bacchus, le joyeux fils de Jupiter et de Sémélé, nous a donné le vin pour noyer nos peines dans l’oubli. Emplissez cette coupe, emplissez-la jusqu’au bord ; inondez votre cœur de ce doux nectar : voici l’heure où va paraître l’astre qui dévore les champs. Nous sommes au temps le plus enflammé de l’année. Nos prai-