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travaux, intrépide aux amours et gracieux à la danse, ce dieu revient et apporte aux mortels un philtre enchanteur, un breuvage qui chasse les inquiétudes. Le raisin fils de la treille, mûr déjà, mais pendant encore au sarment, a Bacchus pour sentinelle : dès qu’il sera coupé, il dissipera toutes les maladies, rendra le corps robuste et donnera l’enjouement à l’esprit jusqu’à ce que brille le nouvel automne.

XLIX.

Sur un disque représentant Vénus

Qui donc osa graver la mer ? Quel art habile déroula sur ce disque les flots arrondis de l’onde azurée ? Quel est celui dont l’esprit inspiré des dieux a représenté sur le dos de l’humide élément la blanche et douce Cypris, reine des Immortels. Il nous l’a montrée nue : les flots servent seuls de voile aux appas qu’il faut cacher ; elle erre sur l’eau comme l’algue blanchissante que balance une onde paisible.

Le corps soutenu par la mer, elle sépare devant elle les vagues frémissantes et fend pour la première fois les flots répandus autour de son sein de roses, au-dessous de son cou délicat. Au milieu des sillons d’azur, comme un lis enlacé aux violettes, Cypris brille sur le calme de la mer. L’argent représente des dauphins en chœur et portant l’Amour et le Désir qui se jouent des finesses des hommes. La troupe des poissons, en cercle sur les flots, caresse la reine de Paphos partout où elle nage en souriant.

L.

Sur le vin

De jeunes hommes avec de jeunes filles portent sur les épaules, dans des corbeilles, le noir raisin et le jettent sur le pressoir. Les hommes seuls foulent les grappes, font jaillir le vin de sa prison, chantent à pleine voix le dieu de la treille, en des hymnes consacrés au pressoir, et admirent la nouvelle liqueur de Bacchus qui frémit dans sa tonne. À peine un vieillard en a-t-il goûté qu’il danse d’un pied mal affermi en agitant ses blancs cheveux. L’aimable vendangeur se glisse d’un pas furtif auprès de la jeune fille accablée de sommeil, dont le beau corps mollement étendu repose à l’ombre du feuillage ; il la sollicite par des caresses prématurées de se rendre traîtresse à l’hymen. Elle ne croit point à ses discours, et il la force contre sa volonté : car Bacchus dans son ivresse joue librement avec le jeune homme.

LI.

Sur la rose

Je chante la rose nouvelle au retour du printemps qu’elle couronne. Mon amie, soutiens mes accents. La rose est le souffle pur des dieux, la rose est la joie des mortels, l’ornement des Grâces, la fleur chérie de Vénus dans la saison délicieuse des amours ; la rose est agréable aux Muses, elle fournit de charmantes allégories ; il est doux d’avancer en tremblant la main dans un sentier épineux pour cueillir la rose ; il est doux en l’effeuillant de l’échauffer et de frapper cette fleur d’amour dans des mains délicates et gracieuses.

Comme la rose est chère aux poètes dans les repas et sur les autels de Bacchus ! Hélas ! que deviendrions-nous sans les roses ! L’Aurore a des doigts de roses, les Nymphes ont des bras de roses, Vénus a le teint des roses, selon le langage des poètes ; la rose est précieuse dans les maladies, elle embaume les tombes, elle sait braver le temps : la vieillesse conserve encore les plus suaves parfums de sa jeunesse. Racontons sa naissance. Quand la mer engendra de son écume la belle Vénus, glissant sur l’onde azurée ; quand Jupiter fit sortir de son cerveau l’altière Pallas, amante des horreurs des combats, la Terre enfanta la rose, fleur admirable qui s’épanouit en mille couleurs. La foule des déités heureuses, présente à sa naissance, versa sur elle une goutte de nectar. Alors on vit s’entrouvrir sur la branche épineuse la rose superbe, fleur immortelle consacrée à Bacchus.

LII.

Sur lui-même

Quand je vois un cercle de jeunes gens, ma jeunesse me revient, et soudain, quoique vieillard, je vole me mêler aux chœurs de la danse. Attends-moi, Cybèle, donne-moi des fleurs, que je me couronne. Loin d’ici la blanche vieillesse ! Je redeviens jeune ; je veux danser avec des jeunes gens. Qu’on m’apporte la liqueur de Bacchus,