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appelait la belle Cybèle avec des accents pleins de délire ; d’autres, après avoir bu sur les bords de Claras l’onde prophétique de Phébus, dont le front est couronné de lauriers, sont saisis d’une rage frénétique. Moi aussi, enivré de Bacchus, enivré de parfums et de ma belle maîtresse, je veux avoir mes fureurs.


XIV.

Sur l’amour

Je veux, je veux aimer. Amour me donnait ce conseil ; mais moi insensé, je ne sus pas le suivre. Soudain ce dieu, saisissant son arc et son carquois doré, me provoque au combat ; moi, comme autrefois Achille, armé d’une cuirasse, d’une lance et d’un bouclier, je défie l’Amour. Il me lance un dard, je l’évite. Lorsque ses flèches sont épuisées, le petit dieu irrité se lance lui-même comme un trait ; il pénètre au milieu de mon cœur et m’ôte toutes mes forces. À quoi me sert un bouclier ? À quoi me sert de combattre au dehors quand le combat est au-dedans ?


XV.

Vivre sans inquiétude

Je ne me soucie point de Gygès, roi de Sardes. L’ambition ne me tourmente pas et les tyrans ne me font pas envie. Tout mon soin c’est de verser des parfums sur ma barbe, c’est de placer une couronne de roses sur mon front ; tout mon soin c’est de jouir du présent. Eh ! Qui connaît le lendemain ? Pendant que l’heure t’est propice, bois, joue aux dés, offre des libations à Bacchus, de peur qu’une maladie ne vienne te dire : « Il ne faut plus boire ! »


XVI.

Sur lui-même

Tu chantes les guerres de Thèbes, un autre chante les combats des Phrygiens, mais moi je chante mes défaites. Ce n’est ni cavalerie, ni infanterie, ni vaisseaux qui m’ont vaincu ; mais une armée d’une espèce nouvelle m’a percé de ses traits qui partaient des yeux.


XVII.

Sur une coupe d’argent

Ô Vulcain ! Cisèle-moi cet argent. Ne me fais pas une armure complète ; qu’ai-je à faire des combats ? Mais une large coupe, aussi profonde qu’il le sera possible. Ne grave sur ses contours ni les Astres, ni le Chariot, ni le triste Orion ; que me font les Pléiades et le Bouvier ? Mais représente une vigne verdoyante et des raisins qui réjouissent, et les Ménades qui vendangent. Qu’on y voie un pressoir écumeux et l’Amour et Bathylle avec le riant Bacchus foulant un doux nectar !


XVIII.

Sur une coupe d’argent

Artiste ingénieux, grave-moi une coupe gracieuse, peins-moi la Saison qui nous apporte les roses pleines de délices ; sur l’argent assoupli, représente un joyeux festin. Ne grave ni sacrifice étranger ni scènes tragiques ; montre-nous plutôt le fils de Jupiter, le riant Bacchus, et Cypris, prêtresse des amours, encourageant l’hyménée ; grave sur cette coupe les Amours désarmés et les Grâces souriant à l’ombre d’une vigne, riche de feuilles et de raisins ; ajoute encore de beaux enfants auprès desquels folâtre le blond Phébus.


XIX.

Il faut boire

La terre noire boit l’onde, l’arbre boit la terre, la mer boit les airs, le soleil boit la mer et la lune boit le soleil : ainsi pourquoi donc combattre mes désirs quand je veux boire à mon tour  ?


XX.

À une jeune fille

La fille de Tantale fut jadis transformée en rocher sur les bords de Phrygie, la fille de Pandion changée en hirondelle. Pour moi, que ne suis-je un miroir pour que toujours tu me regardes ? Que ne suis-je une tunique afin que toujours tu me portes ? Je voudrais devenir une eau limpide pour baigner ton beau corps ? Je voudrais devenir essence, ô ma maîtresse ! afin