affection, lorsqu’au sein de leur terre natale, ils le virent se prosterner devant la statue d’or de la Victoire, dans l’auguste enceinte de Jupiter Olympien, où les fils d’Énésidame furent environnés d’honneurs immortels. Ces demeures sacrées, ô Thrasybule ! ne vous sont point inconnues à tous deux ; elles retentissent sans cesse du chant des hymnes et des plus mélodieux concerts.
Il n’est ni écueil, ni sentier difficile au poëte qui porte à des familles illustres le juste tribut des sœurs de l’Hélicon. Puissé-je, semblable à l’athlète qui lance au loin son disque, élever mes chants à la hauteur où Xénocrate lui-même s’est élevé, en surpassant ses concitoyens par l’affabilité de ses mœurs ! Objet des respects de tout le monde, il sait cependant se confondre dans la foule ; fidèle à l’usage des enfans de la Grèce, il a rassemblé de toutes parts de vigoureux coursiers, et prend soin de les nourrir. Avec quelle magnificence ne se plaît-il pas à orner les festins célébrés en l’honneur des dieux ! Jamais le souffle de l’adversité ne l’a contraint à couvrir sa table hospitalière du voile de la parcimonie ; et il sait si bien réunir dans sa maison toutes les jouissances de la vie, qu’on y goûte, l’été, la fraîcheur des rives du Phase, et l’hiver, la douce température des bords du Nil.
Que la crainte d’exposer ton père à l’envie qui assiège le cœur de l’homme ne te porte pas, ô Thrasybule ! à laisser dans l’oubli ses vertus. Hâte-toi de publier mes hymnes ; ma Muse ne les a point inspirés pour qu’ils demeurent immobiles. Et toi, Nicasippe, quand tu seras auprès de mon hôte, répète-lui ce chant consacré à la gloire de sa famille.
III.
À MÉLISSUS, THÉBAIN,
Si jamais un mortel fut digne d’entendre célébrer son nom par ses concitoyens, ce fut celui qui, comblé par le sort des dons de la fortune et de la victoire, sut préserver son cœur de l’orgueil, fils insolent de la Satiété. Ô Jupiter ! c’est de toi que les hommes reçoivent les grandes vertus ; mais la prospérité, dont les fondements s’appuient sur une sage prévoyance, ne peut que s’accroître et durer, tandis que celle qui découle de la perversité du cœur n’a que l’éclat d’une fleur passagère.
Quant à l’athlète courageux, nos hymnes sont la plus digne récompense de ses belles actions, et le poëte, secondé par les Grâces, se plaît à l’immortaliser dans ses chants. Ainsi deux victoires que la fortune a accordées à Mélissus ont mis le comble à sa joie ; vainqueur à la course des chevaux, il vient d’être couronné dans les vallées de l’Isthme, et naguère il a entendu proclamer le nom de Thèbes, sa patrie, non loin de la sombre forêt qu’habita jadis le lion si redouté.
Non, Mélissus n’a point dégénéré de la vertu de ses ancêtres. Vous savez tous, Thébains, quelle gloire acquit jadis son aïeul Cléonyme à la course des chars ; à quel degré d’honneur et de prospérité parvinrent par leurs travaux et leurs victoires les Labdacides, ses aïeux maternels ! Mais le Temps qui, dans sa course, entraîne les jours, amène d’étranges changements : il élève l’un, abaisse l’autre ; les seuls enfans des dieux sont à l’abri de ses coups.
IV.
AU MÊME MÉLISSUS
De quelque côté que ma Muse tourne ses regards, ô Mélissus ! partout se présente à elle l’immense carrière de gloire qu’il a plu aux dieux d’ouvrir à tes pas. Si d’abord je commence par chanter ta victoire récente aux jeux de l’Isthme, soudain mon génie s’enflamme au souvenir des vertus dont la bonté divine a orné les Cléonymides, tes aïeux, jusqu’au dernier terme de leur vie. Ils ne furent cependant pas exempts de revers, car le souffle de l’inconstante Fortune tantôt conduit les mortels au bonheur, tantôt les précipite dans un abîme de maux.
Ainsi tes ancêtres furent autrefois honorés à Thèbes, et comme hôtes des Amphictyons, et comme ennemis de la discorde et de l’injure. La Renommée, qui d’un vol infatigable annonce à l’univers la gloire des morts et des vivans, atteste que l’héroïsme de la vertu s’étendit en eux jusqu’aux colonnes d’Hercule ; ils ne pouvaient le porter au-delà. J’ajouterai qu’ils se distinguèrent également dans les travaux de Mars au cœur d’airain, et dans l’art de former de vigoureux coursiers. Mais hélas !