Page:Falconnet - Petits poèmes grecs, Desrez, 1838.djvu/251

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leurs fronts près de la fontaine de Dircé et sur les bords de l’Eurotas, lieux à jamais célèbres, qui virent naître le fils d’Iphiclès (1), issu du même sang que les enfans de Sparte, et le fils de Tyndare, descendant de ces Achéens qui peuplèrent le sol escarpé de Théraphé.

Héros immortels ! agréez mon hommage. En consacrant cet hymne à Neptune Isthmien et aux rives d’Oucheste qui lui est chère, j’unirai les louanges d’Hérodote à celles d’Asopodore, son illustre père. Je veux aussi célébrer Orchomène, berceau de ses aïeux, qui l’accueillit si bien lui-même lorsque, après un naufrage sur une mer orageuse, il fut réduit à la plus horrible détresse. Maintenant son heureux destin lui a rendu sa première prospérité.

Le mortel qui s’est instruit par les leçons de l’adversité a acquis pour l’avenir une sage prévoyance. Quand la vertu doit sa gloire à d’honorables dépenses ou à de nobles efforts, il est juste de ne lui point envier ses succès et de lui accorder les louanges qu’elle a méritées. D’autant plus qu’il est si facile au sage de récompenser les pénibles travaux des athlètes par un éloge dont la patrie partage également l’honneur. Il est pour les mortels différentes récompenses de leurs fatigues : le berger, le laboureur, le chasseur, le nautonier n’ambitionnent pas la même ; tous cependant font les mêmes efforts pour repousser la misère et la faim. Mais celui qui est sorti victorieux de la lice ou des combats meurtriers reçoit sa plus douce récompense s’il entend ses concitoyens et les étrangers répéter son nom et ses exploits.

En célébrant la victoire que vient d’obtenir à la course des chars un ami, un concitoyen, il faut aussi rendre de solennelles actions de grâces au fils de Saturne, au puissant Neptune qui ébranle la terre et qui préside à ces nobles exercices. Je n’oublierai pas non plus tes fils, ô Amphitryon ! le golfe de Minya, le bois d’Éleusis consacré à Cérès et l’Eubée, lieux témoins des victoires d’Hérodote à la course. Enfin je rappellerai, ô Protésilas ! le monument que, près de Pylacé, érigèrent en ton honneur les belliqueux Achéens. Mais c’est en vain que je voudrais embrasser dans les bornes étroites d’un hymne toutes les victoires que Mercure, arbitre de nos jeux, a accordées aux coursiers et au char d’Hérodote : ce qu’on est obligé de taire n’en est pas moins honorable.

Puisse-t-il, élevé au plus haut point de gloire sur les ailes brillantes des Muses à la voix éclatante, déposer un jour dans Thèbes aux sept portes ces palmes qu’il aura cueillies aux champs de Pytho ou à Olympie, sur les bords rians de l’Alphée ! Mais si l’homme jaloux d’enfouir dans sa maison d’obscurs trésors, par un rire moqueur insulte à mes chants, qu’il sache que son âme descendra sans gloire dans la nuit de l’Érèbe.

II.

À XÉNOCRATE(1) D’AGRIGENTE

Quand les poètes des jours anciens, ô Thrasybule ! assis sur le char des Muses à la chevelure d’or, faisaient résonner sous leurs doigts la lyre harmonieuse, leurs hymnes aussi doux que le miel chantaient de jeunes favoris, dont les charmes, tels qu’un fruit mûri par l’automne, appelaient les voluptés de l’aimable Vénus. La Muse n’était pas avide alors ; ses chants n’étaient point mercenaires, et Terpsichore n’avait pas encore vendu au poids de l’or la mélodie de ses accens.

Maintenant plus indulgente, elle nous permet d’adopter la maxime franche et véridique de cet Argien qui, n’ayant plus ni amis ni richesses, s’écriait : L’argent, l’argent ! voilà tout l’homme.

Tu es sage, ô Thrasybule ! et tu comprends comment ces paroles peuvent se rattacher aux chants par lesquels je célèbre la victoire isthmique que Neptune vient d’accorder aux coursiers de Xénocrate. C’est à l’Isthme que ce dieu s’est plu à orner sa tête d’une couronne de sélinum dorien pour honorer en lui le vaillant écuyer et le flambeau d’Agrigente. À Crisa, le puissant Apollon jeta sur lui un regard favorable et le combla de gloire. À Athènes, accueilli avec honneur par les enfans d’Érechtée, il n’eut qu’à se louer de la rapidité avec laquelle Nicomaque fit voler ses coursiers et dirigea son char dans la carrière.

Dés son entrée dans la lice olympique, les prêtres de Jupiter Éléen, chargés de proclamer l’ouverture des jeux solennels, reconnurent en lui ce citoyen généreux qui leur avait donné l’hospitalité ; ils le saluèrent avec