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Mais s’il faut célébrer par mes chants la prospérité, la force et les exploits des Éacides, quel que soit l’espace qu’on me donne à franchir, ma force et ma légèreté me feront voler au delà ; et ne voit-on pas l’aigle être emporté d’une aile rapide au delà des mers.

Je vais donc redire quels nobles accens le chœur des Muses fit entendre en leur honneur sur le Pélion ; comment au milieu d’elles, Apollon variait sans cesse avec un archet d’or les sons mélodieux de sa lyre à sept cordes. Elles enchantèrent d’abord le grand Jupiter, ensuite l’immortelle Thétis et Pélée que la voluptueuse Crétéis-Hippolyte s’efforça de faire tomber dans ses pièges adultères. Cette princesse à l’aide de la plus noire calomnie persuada au roi des Magnésiens, son époux, que Pélée avait osé attenter à la sainteté de sa couche nuptiale. Mensonge impudent ! elle-même au contraire avait osé provoquer le jeune héros, qui repoussa ses offres séduisantes, et craignit d’encourir la colère de Jupiter, protecteur de l’hospitalité.

Alors du haut des cieux, le roi des immortels, dont la voix assemble les nuages lui permit de choisir pour épouse une des Néréides à la quenouille d’or, après avoir obtenu l’assentiment de Neptune. Souvent ce dieu quittant son palais d’Aigé, visite l’isthme célèbre qu’habitèrent jadis les peuples de la Doride. Là une foule empressée de jeunes athlètes l’accueillent au son des flûtes et déploient en son honneur la force et la souplesse de leurs membres robustes.

La Fortune, qui dès le berceau accompagne en tous lieux les mortels, est l’arbitre de toutes leurs actions. C’est la tienne sans doute, ô Euthymène ! qui t’a conduit à Égine dans les bras de la victoire pour que tu sois aussi l’objet de nos chants. Vois comme la gloire de Pythéas, ton oncle, rejaillit maintenant sur toi et sur votre famille commune. Némée l’a vu conquérir sa couronne dans ce mois que chérit Apollon, comme naguère sa terre natale le vit aussi, dans les riantes vallées de Nisus, surpasser tous ses jeunes rivaux. Pour moi, je suis au comble de l’allégresse en voyant ainsi chaque cité s’enflammer d’une noble émulation de la gloire.

Souviens-toi encore, ô Pythéas ! que tu dois aux soins utiles de Ménandre la plus douce récompense de tes honorables travaux ; puissant motif pour les athlètes de choisir leurs maîtres parmi les citoyens d’Athènes.

S’il faut enfin, ô ma Muse ! célébrer dans ce chant les louanges de Thémistius, ne crains point de l’entreprendre : élève ta voix, déploie les voiles de ton navire, et proclame du haut du mât, la victoire que deux fois Épidame lui a vu remporter au pugilat et au pancrace, et les couronnes verdoyantes et fleuries dont les Grâces aux blonds cheveux ornèrent sa tête devant les portiques du temple d’Éaque.

VI.

A ALCIMÈDE, D’ÉGINE,

Vainqueur à la lutte.

Des hommes ainsi que des dieux, l’origine est la même ; une mère commune nous anima tous du souffle de la vie. Le pouvoir entre nous fait seul la différence ; faible mortel, l’homme n’est rien, et les dieux habitent à jamais un ciel d’airain, demeure inébranlable de leur toute-puissance. Cependant une grande âme, une intelligence sublime nous donnent quelques traits de ressemblance avec la divinité, quoique nuit et jour la fortune nous entraîne vers un but que nous ignorons.

La race du jeune Alcimède peut être comparée à ces terres fertiles qui alternativement fournissent aux hommes d’abondantes récoltes et se reposent ensuite pour acquérir une nouvelle fécondité. Dès son début à la lutte, Alcimède remplit noblement la destinée que lui fixa Jupiter ; à peine au printemps de la vie, on l’a vu à Némée s’élancer dans la lice comme un chasseur sur sa proie : ainsi ce jeune héros marche d’un pas assuré sur les traces de Praxidamas son aïeul paternel, qui, le premier des descendans d’Éaque, ceignit aux jeux olympiques son front de l’olivier cueilli sur les bords de l’Alphée, qui, cinq fois couronné à l’Isthme et trois fois dans Némée, tira de l’oubli Soclide, son père, le premier des fils d’Agésimaque.

Et maintenant trois athlèles célèbres issus de cette même tige sont parvenus par leurs victoires à ce comble de gloire où l’homme enfin peut goûter en paix le fruit de ses travaux. Jamais famille dans toute la Grèce ne fut à ce point favorisée des dieux, et ne remporta plus de couronnes aux luttes du pugilat.

J’ai à célébrer de grandes, de sublimes louanges ; mais j’ai la douce espérance que la magnificence de mes chants ne sera point