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leur union et se plut à l’orner des plus brillantes vertus. Bientôt, formé par de telles leçons, le jeune héros traversa les mers et, conduit par le souffle des vents sur les rivages de Troie, soutint le choc des guerriers de la Lycie, de la Phrygie et de la Dardanie, en vint aux mains avec les fougueux Éthiopiens et fit mordre la poussière à l’oncle d’Hélénus, au vaillant Memnon, qui ne devait plus revoir sa patrie.

Ainsi de toutes parts la gloire des Éacides brille d’un éclat immortel. Ton sang divin, ô Jupiter, coule dans leurs veines, et tu présides à ces luttes célèbres d’où Aristoclide est sorti vainqueur. Son triomphe m’inspire ce chant de victoire, que les jeunes habitans d’Égine répètent avec joie en son honneur. Puissent leurs voix réunies célébrer dignement ce vaillant athlète, qui donne un lustre nouveau à l’île qui l’a vu naître et au temple d’Apollon Théarius, déjà fameux par de grands souvenirs.

L’expérience montre dans tout son jour la vertu dans laquelle chacun de nous excelle. Être enfant avec les enfans, homme avec les hommes, vieillard avec les vieillards, se proportionner à tous les âges de la vie, c’est le talent du sage. Il en est un autre nécessaire à la condition humaine, c’est de savoir s’accommoder à sa fortune présente. Ces qualités précieuses, Aristoclide les réunit toutes en sa personne.

Salut, digne ami de mon cœur ! reçois cet hymne qu’accompagnent les accords de la flûte éolienne. Il sera pour toi aussi doux que le miel mêlé avec le lait le plus pur, aussi agréable que la rosée du matin. L’hommage en est un peu tardif ; mais l’aigle au vol rapide observe longtemps sa proie, puis tout à coup s’élance et la saisit sanglante dans ses serres, tandis que le corbeau, poussant de vains cris, cherche à terre une vile pâture.

Enfin, Aristoclide, que manque-t-il à ta gloire ? Clio au trône éclatant la publie au loin par ses chants ; et les couronnes dont tu as ceint ton front à Némée, à Épidaure et à Mégare brillent d’un éclat immortel.

IV.

A TIMASARQUE, D’ÉGINE,

Vainqueur à la lutte.

Douce allégresse qui suis la vicloire, tu es le meilleur médecin des fatigues et des travaux de l’athlète, surtout quand nos hymnes, sages filles des Muses, font palpiter son cœur au bruit de leurs accens : alors l’onde attiédie d’un bain est pour ses membres fatigués moins salutaire que la louange qu’accompagne la lyre. Nobles inspirations du génie et des Grâces, les paroles d’un poëte vivent plus longtemps que les hauts faits qu’elles ont célébrés.

Telles sont celles par lesquelles je prélude à cet hymne que je consacre au puissant Jupiter, à Némée et à Timasarque, vainqueur à la lutte. Puisse la cité des Éacides, renommée au loin par son amour pour la justice et l’hospitalité, recevoir aussi le tribut de louanges qu’elle mérite. Oh ! si Timocrite, père du vainqueur que je chante, jouissait encore de la lumière, quelle serait la joie de son cœur ! avec quels transports, variant les accords de sa lyre, unirait-il ses chants aux nôtres pour célébrer les victoires que son fils a remportées à Cléone, aux luttes de la superbe Athènes et à Thèbes aux sept portes !

Là, près du magnifique tombeau d’Amphitryon, les enfans de Cadmus accueillirent Timasarque et le couvrirent à l’envi de fleurs ; ils honoraient en lui Égine, sa patrie, et le regardaient comme un ami qui vient chez ses amis au sein d’une ville hospitalière. Ils le reçurent dans l’auguste palais d’Hercule , de ce héros avec qui le vaillant Télamon saccagea la ville de Troie, vainquit les Méropes et le terrible Alcyon. Ce redoutable géant ne succomba qu’après avoir fracassé sous un énorme rocher douze chars et deux fois autant de guerriers qui les montaient, prodige qui ne peut paraître incroyable qu’à celui qui n’a jamais éprouvé l’art funeste de Bellone. Ainsi périt Alcyon : il était juste qu’il payât sous les coups d’Hercule les maux affreux que sa main avait faits.

Mais les heures s’écoulent, et les lois que ma Muse s’est imposées me défendent de m’éloigner de l’objet de mes chants ; je cède d’ailleurs au désir pressant qui m’entraîne à tenir ma promesse pour le retour de la Néoménie. Quoique tu sois au milieu d’une mer d’écueils, ô ma Muse, sache les affronter avec courage et braver les efforts de nos ennemis. Hâte-toi donc d’aborder ; au grand jour, l’éclat de ta gloire éclipsera tes rivaux. Que l’envieux conçoive au sein des ténèbres de vains projets, qui d’eux-mêmes retombent en poussière. Pour moi, je sens que la puissance du génie que m’a