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d’éloigner d’eux les coups funestes de l’Envie ! Celui que les sages aiment à célébrer comme le plus fortuné des mortels, est l’athlète qui, par la vigueur de son bras, la légèreté de ses pieds et sa noble audace a conquis la palme de la victoire ; surtout, s’il peut voir au déclin de ses jours un jeune fils ceindre son front des couronnes pythiques. Cependant jamais ce ciel d’airain ne sera accessible aux mortels. Ballottée sur l’océan de la vie, notre frêle nacelle arrive au terme de la navigation alors seulement que le bonheur nous luit. Eh ! quel homme a pu jusqu’à ce jour se frayer par mer ou par terre la route merveilleuse qui conduit aux régions hyperborées. Le seul Persée y pénétra : admis dans les demeures de leurs habitans, il s’assit à leurs festins et prit part à ces magnifiques hécatombes d’onagres qu’ils immolent à Apollon. Ce dieu prend plaisir à leurs fêtes, à leurs acclamations de joie, et sourit en voyant ces animaux d’une taille prodigieuse bondir et se débattre sous le couteau sacré.

Ces peuples ne sont point étrangers aux Muses. Partout chez eux les jeunes vierges se réunissent en chœurs, partout retentissent les accens de la lyre mariés aux sons éclatans de la flûte. Couronnés de laurier, les habitans de ces climats heureux se livrent gaiement aux plaisirs de la table ; jamais la triste vieillesse, jamais les maladies ne les atteignirent ; ils ne connaissent ni les travaux pénibles, ni les fureurs de la guerre, ni les vengeances de Némésis.

C’est parmi ces sages qu’arriva jadis, conduit par Minerve, l’intrépide fils de Danaé ; il tua la Gorgone, et s’étant saisi de sa tête hérissée de serpens il la porta aux habitans de Sériphe, qui, à sa vue, ô prodige étonnant ! furent changés en pierres. Qu’y a-t-il d’incroyable pour moi, quand la toute-puissance des dieux commande et exécute !

Mais, ô ma Muse, arrête ici les rames ; hâte-toi de jeter l’ancre et de l’enfoncer dans la terre pour mettre ta nef à l’abri des écueils que recèle l’onde amère ; car, telle que l’abeille qui voltige de fleur en fleur, tu distribues les louanges de tes hymnes tantôt aux uns tantôt aux autres, errant avec rapidité sur différens sujets.

J’ai néanmoins la douce espérance que mes chants harmonieux répétés par des Éphyriens sur les bords du Penée prêteront un éclat durable aux couronnes d’Hippoclès, et que les vieillards, les hommes de son âge et les jeunes filles, quoique dominés par des attraits divers, le chériront et rendront hommage à sa victoire.

Celui qui, emporté par ses désirs, possède enfin le bonheur après lequel il a tant soupiré doit se hâter d’en jouir, car il n’est point de signes auxquels l’homme puisse prévoir même les événemens d’une seule année.

Pour moi, guidé par les nobles élans de mon cœur, j’ai répondu par cet hymne à l’amitié de Thorax. Il me l’a demandé : pouvais-je moins faire pour un hôte si cher dont les mains ont attelé pour moi le char éclatant des Muses ! Comme l’or brille sur la pierre qui l’éprouve, ainsi le bon esprit d’un ami se montre par l’expérience. Puis-je donc refuser le tribut de mes chants aux généreux frères de Thorax ? La sagesse de leurs lois fait resplendir au loin la gloire de la Thessalie, et la justice de leur gouvernement assure à jamais la prospérité de cet empire.

XI.

AU JEUNE THRASYDÉE, DE THÈBES,

Vainqueur à la course.

Fille de Cadmus, Sémélé, qui habites l’Olympe avec les immortels, et toi, Ino-Leucothée, compagne des Néréides, c’est vous que j’invoque ! Allez avec l’auguste mère du grand Hercule auprès de Mélia, dans ce sanctuaire où brillent les trépieds d’or d’Apollon. Nulle demeure n’est si chère à ce dieu ; il l’honora du nom d’Iomène et la rendit le siège de ses infaillibles oracles. Illustres filles d’Harmonie, c’est là que Mélia vous appelle pour chanter aux approches du soir et l’auguste Thémis et Delphes source de jugemens équitables.

Vous illustrerez de nouveau Thèbes aux sept portes et ce combat fameux de Cirrha, où Thrasydée a fait revivre la mémoire de ses pères, et par sa victoire dans les champs de Pylade, ajouté une troisième couronne à celles que ceignit leur front.

Pylade ! tu as à jamais immortalisé ta tendresse pour le Lacédémonien Oreste, que sa nourrice Arsinoé déroba aux cruelles embûches de Clytemnestre, quand cette reine impitoyable armée du fer tranchant fit descendre aux sombres bords de l’Achéron l’âme indignée de son époux Agamemnon et la malheureuse Cassandre, fille du vieux Priam. Cruel ressentiment ! qu’excita dans le cœur de Clytemnestre