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seul s’exposa aux coups homicides de Memnon, sous qui combattaient les Éthiopiens. Blessé par les traits de Pâris, un des coursiers de Nestor retardait la fuite de son char, et Memnon s’avançait brandissant une longue javeline. Déjà le vieillard éperdu crie à son fils de ne pas affronter le trépas ; c’est en vain, le jeune héros vole au combat, et, par le sacrifice de sa vie, il achète celle de son père, laissant aux races futures un modèle admirable de piété filiale.

Cette antique vertu des siècles passés, Thrasybule nous en donne aujourd’hui le touchant exemple : il marche dans le sentier que lui a tracé son père et le dispute en magnificence à son oncle Théron. Avec quelle modération jouit-il de ses richesses ! Formé à la sagesse dans le sanctuaire des Muses, jamais il ne permit à l’injustice ni à l’aveugle prévention d’égarer un instant son cœur. Comme sa jeune ardeur se plaît à tes nobles exercices, Neptune, toi dont le trident ébranle la terre et qui appris aux mortels l’art de dompter les coursiers ! Enfin son caractère aimable et bienveillant fait la joie de ses amis, et, dans les festins, ses paroles coulent avec la douceur du miel que distille l’industrieuse abeille.

VII.

À MÉGACLÈS, D’ATHÈNES,

Vainqueur au quadrige.

Pour célébrer dignement l’antique puissance des enfans d’Alcméon et les triomphes de leurs coursiers, pourrais-je mieux préluder à mes chants que par le nom de la superbe Athènes ? Fut-il jamais patrie plus fameuse dans la Grèce ! fut-il jamais un nom plus illustre que celui d’Alcméon !

La renommée a porté chez tous les peuples la gloire des citoyens à qui Érecthée dicta ses lois. Ce sont eux, ô Apollon ! qui, dans l’enceinte de Pytho, rebâtirent ton divin sanctuaire. Que de victoires, ô Mégaclès, tes ancêtres et toi n’offrez-vous pas à mes chants ! Cinq à l’Isthme, une plus glorieuse aux champs de Jupiter, à Olympie, deux enfin à Cirrha.

Ton nouveau triomphe surtout me comble d’allégresse ; mais une pensée m’afflige… Tant de belles actions ne vont-elles pas attirer sur toi les traits du sort jaloux ? Telle est la destinée des mortels : le bonheur le plus durable n’est jamais ici-bas à l’abri des revers.

VIII.

À ARISTOMÈNE, D’ÉGINE,

Vainqueur à la lutte.

Fille de la justice, ô douce paix ! toi qui rends les cités puissantes et tiens en tes mains les clés de la guerre et des sages conseils, reçois l’hommage de la couronne pythique dont Aristomène vient d’orner son front. Aimable déesse, tu donnes aux mortels les loisirs favorables à nos triomphes pacifiques et tu leur apprends à en jouir. Quand deux ennemis, le cœur gonflé d’une haine implacable, sont près de se frapper, c’est encore toi qui, t’élançant au-devant de leurs coups, fais tomber à tes pieds l’insulte et la colère.

Oh ! combien il fut sourd à tes inspirations ce Phorphyrion, dont la fureur aveugle tenta d’envahir l’Olympe. Insensé ! ne savait-il pas que les seuls biens légitimes sont ceux que nous offre avec plaisir une main libérale, et que tôt ou tard la violence et l’orgueil subissent le châtiment de leur cupidité ! Tel fut encore ce terrible roi des Géans, ce Typhon à cent têtes, que la Cilicie engendra. Tous deux succombèrent, l’un sous les coups de la foudre et l’autre sous les traits d’Apollon. C’est à la protection de ce dieu que le fils de Xénarque doit la victoire où il a cueilli dans Cirrha le laurier du Parnasse, digne sujet de mes chants doriens.

L’heureuse patrie du vainqueur, Égine, amie de la justice et favorisée par les Grâces, brille encore de l’éclat des antiques vertus des Éacides. Non, depuis son origine, sa renommée ne s’est point affaiblie, et les favoris des Muses ont célébré dans leurs chants cette foule de héros qu’elle a vus naître, et que souvent couronna la victoire dans nos jeux et dans nos combats meurtriers. Adresse et valeur, telles sont en effet les sources de la gloire pour les mortels.

Mais pourquoi fatiguer ma lyre et ma voix du long récit de tous les titres de gloire d’Égine ? la satiété est mère du dégoût. Bornons donc nos chants au sujet offert à ma Muse ; qu’elle touche à ton dernier triomphe, ô Aristomène ! d’une aile prompte et légère !

Jadis Théognète et Clytomaque, tes oncles maternels, vainquirent à la lutte, l’un à Pise, l’autre à Corinthe ; tu suis leurs traces et tu ne dégénères pas de leur courage. Noble soutien