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LES PYTHIQUES.




DES JEUX PYTHIQUES.

Les jeux pythiques se célébraient à Delphes, capitale de la Phocide, en l’honneur de la victoire qu’Apollon avait autrefois remportée sur le serpent Python, monstre né du limon infect de la terre après le déluge. Ils furent institués par Jason, lors de la conquête de la toison d’or ; d’autres disent par Agamemnon ou par Diomède, roi d’Étolie, et ne tardèrent pas à être interrompus. Cependant Euryloque de Thessalie, chef des Amphictyons, les rétablit.

D’abord ils furent célébrés tous les neuf ans ; puis de cinq en cinq ans, ou plutôt après quatre ans révolus et au commencement de la cinquième année. Ils commençaient par des combats de poésie et de musique. Le sujet qu’on proposait ordinairement aux joueurs de flûte était le combat d’Apollon contre le serpent Python. Les exercices du stade étaient comme ceux d’Olympie, les différentes courses d’enfans et d’hommes, de chevaux, de chars, la lutte, le pugilat, le pancrace.

La solennité était rendue plus imposante par la présence des Amphictyons, députés à l’assemblée générale de tous les états de la Grèce. Ils étaient établis juges des combats et distribuaient eux-mêmes les prix aux vainqueurs. Le prix fut d’abord une somme d’argent ; plus tard, on y substitua des branches de chêne, et enfin une couronne de laurier. Après celle des jeux olympiques, cette couronne était la plus honorable qu’un athlète pût obtenir.

I.

À HIÉRON,

Vainqueur à la course des chars.

Ô toi qui fais les délices d’Apollon et des Muses à la noire chevelure ! lyre d’or, tes sons mélodieux règlent la mesure de la danse, source de la joie. Fais-tu entendre ces préludes ravissans qui précèdent les chœurs, soudain les chantres t’obéissent, les feux éternels de la foudre s’éteignent, le roi des airs, l’aigle de Jupiter s’endort sous le sceptre du maître des dieux ; son aile rapide des deux côtés s’abaisse, une douce vapeur obscurcit sa paupière et courbe mollement sa tête appesantie, il dort… et son dos assoupi par la volupté, tressaille au gré de tes accords. Mars lui-même, le cruel dieu des combats, oubliant ses armes, s’enivre de ton harmonie. Il n’est enfin aucun des immortels qui ne soit sensible aux accords divins d’Apollon et des Muses.

Mais ceux que Jupiter poursuit de son courroux sur la terre et sur l’immensité des ondes, frémissent d’horreur à la voix des filles de Piérus. Tel frémit gisant au fond du Tartare ténébreux, cet ennemi des dieux, ce Typhée aux cent têtes, que vit naître jadis l’antre fameux de Cilicie. Maintenant enchaîné sous le rivage des mers qui s’étendent au-delà de Cume, il expie son audace téméraire ; la Sicile pèse sur sa poitrine hérissée, et l’Etna, cette colonne du ciel et l’éternel nourricier des frimas, l’écrase de tout son poids.

Du fond de ses entrailles inaccessibles tourbillonnent des torrens de feu qui pendant le jour exhalent une fumée noire et brûlante : la nuit, des flammes rougeâtres s’élancent du gouffre béant et roulent à grand bruit des rocs calcinés dans le sein des mers profondes. Énorme reptile, dévoré par Vulcain, il vomit les flots d’une lave ardente, prodige affreux à voir ! affreux même à entendre raconter de ceux qui l’ont vu. La chaîne qui le tient étendu, le lie depuis les noirs sommets de l’Etna jusque dans la plaine, et sa couche rocailleuse creuse le long de ses reins des sillons ensanglantés.

Puissent, ô Jupiter ! puissent mes chants te plaire, dieu puissant qui règnes sur l’Etna, front sourcilleux d’une terre féconde ! Non loin