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blimes, et me rendra digne de m’asseoir sur le char des Muses ! C’est là que la hardiesse (19) sera donnée à mes pensées et la force à mes paroles.

Chantre de l’hospitalité et de nobles exploits, je viens célébrer le triomphe que Lampromaque (20) et Épharmoste ont remporté en un même jour aux jeux isthmiques. Déjà deux victoires les avaient signalés aux portes de Corinthe ; le nom d’Épharmoste a depuis été proclamé dans la forêt de Némée. Argos (21) lui a décerné la couronne des hommes faits, et Athènes (22) celle de l’enfance.

Mais de quelle gloire ne se couvrit-il pas à Marathon (23) lorsque, dédaignant de combattre des rivaux de son âge, il enlevait à des athlètes vigoureux la coupe d’argent, prix du triomphe ; et, qu’après les avoir vaincus par son agilité et son adresse, il parcourait la lice aux bruyantes acclamations des spectateurs. Dieux ! que de noblesse répandaient sur sa personne les grâces du jeune âge, rehaussées par son héroïque valeur !

Partout il a paru digne d’admiration, et aux peuples de Parrhasie (24) dans les fêtes publiques de Jupiter Lycéen, et à Pellène (25), où il obtint, pour prix de sa bravoure, un manteau que ni les vents, ni les frimas ne sauraient pénétrer. Le tombeau d’Iolas (26) et la maritime Éleusis (27) ont été aussi témoins de ses exploits.

C’est de la nature que nous vient tout ce qui est parfait. Cependant combien de mortels s’efforcent d’acquérir de la gloire par des vertus empruntées à l’art et aux préceptes ; mais tout ce qu’on entreprend contre nature et sans la divinité, il est peu important que la renommée le publie ou le laisse dans l’oubli du silence. Ainsi, il est certaines routes qu’il n’est pas donné à tout homme de parcourir ; car les mêmes désirs ne les enflamment pas tous, et la sagesse exige les plus grands efforts.

Maintenant, ô ma Muse ! offre à Épharmoste cet hymne qui doit immortaliser sa victoire, et publie à haute voix qu’issu d’un sang divin, ce héros fut doué dès sa naissance d’une souplesse, d’une dextérité et d’une force extraordinaires. Cet éloge est bien dû à celui dont la main victorieuse a naguère couronné au milieu des banquets sacrés l’autel (28) de l’invincible Ajax, fils d’Oïlée.

X (1).

À AGÉSIDAME (2) LOCRIEN ÉPIZÉPHYRIEN,

Vainqueur au pugilat.

Ô Muses ! rappelez à mon cœur le souvenir du fils d’Archestrate, qu’Olympie a couronné. Je lui devais le tribut de mes chants, comment ai-je pu l’oublier (3) ?… et toi, fille de Jupiter, céleste Vérité (4), que tes mains pures éloignent de moi le reproche odieux d’avoir voulu tromper un hôte et un ami. Si le temps qui s’est écoulé depuis enlève de son prix à mon hommage, ne puis-je pas, en payant ma dette avec usure (5), éviter les traits de la satire et de l’envie ?

Je vais donc le chanter maintenant ; mes chants feront disparaître le blâme, comme les ondes engloutissent le caillou qu’elles roulent dans leurs cours (6). Ainsi, cet hymne consacré à Agésidame et à sa patrie n’en sera pas moins digne d’eux et de l’amitié dont ils m’honorent : car la vérité règne dans la cité de Locres (7), et ses citoyens excellent également dans l’art divin de Calliope (8) et dans les travaux de Mars.

Jadis Hercule, malgré sa force, fut contraint à reculer (9) devant Cycnus ; et toi, que vient d’illustrer une victoire remportée à Olympie, Agésidame, rends des actions de grâces à Ilas (10), comme autrefois Patrocle en rendit à Achille. La voix du courage enflamme un cœur généreux, et l’élève au faîte de la gloire, avec la protection du ciel ; mais combien peu de mortels ont acquis sans de grands travaux cette renommée, qui répand tant d’éclat sur la vie.

Docile aux lois de Jupiter, je veux aussi chanter ces antiques jeux que le vaillant Hercule institua près du tombeau de Pélops, après avoir immolé à sa vengeance les deux fils de Neptune, le brave Cléatus (11) et son frère Eurytus. Il voulait forcer Augias à lui payer le salaire promis à ses travaux ; et ce roi parjure le lui refusait. Déjà les audacieux enfans de Molione avaient défait l’armée du héros de Tirynthe dans les défilés de l’Élide, où elle s’é-