Page:Falconnet - Petits poèmes grecs, Desrez, 1838.djvu/208

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mules et à guider un célès rapide. Quelle gloire ne vous a-t-il pas acquise en ce jour où il a fait proclamer et le nom de son père Acron et celui de sa patrie (5) relevée tout récemment de ses ruines par sa munificence.

À peine revenu de ces lieux charmans où tout rappelle Œnomaüs et Pélops, c’est dans ton bois sacré, ô Pallas ! protectrice (6) des cités, qu’il offre ses premiers vœux. La pompe (7) de ses fêtes embellit le fleuve Oanis, le lac dont les bords l’ont vu naître, et ces canaux magnifiques par lesquels l’Hipparis (8) porte le tribut de ses eaux, les matériaux de nombreux et superbes édifices, et la richesse et le bonheur à un peuple autrefois indigent.

Toujours les entreprises périlleuses coûtent à l’homme vertueux beaucoup de peines et de travaux ; mais quand un heureux succès couronne de tels efforts, alors les peuples applaudissent à leur sagesse.

Ô Jupiter sauveur ! toi qui foules aux pieds les nues (9), qui habites le Cronium et te plais sur les bords majestueux de l’Alphée et dans l’antre (10) sacré de l’Ida, que mes chants, mêlés aux accords des flûtes (11) lydiennes, s’élèvent jusqu’à toi ! Daigne illustrer à jamais cette cité par les plus éclatantes vertus ! et toi, vainqueur olympique, si fier de tes coursiers rivaux de ceux de (12) Neptune, puisses-tu, entouré de tes enfans, couler une heureuse et paisible vieillesse.

Le mortel qui joint une santé florissante à la richesse et à la gloire doit se garder d’envier le sort des dieux.

VI.

À AGÉSIAS SYRACUSAIN (1),

Vainqueur à la course des chars (2).

Quand un architecte habile élève un somptueux édifice, il en soutient les portiques sur des colonnes d’or : ainsi donnons à mes vers un début brillant et pompeux, surtout si le sujet de nos chants est un vainqueur d’Olympie, un prêtre (3) de l’autel fatidique de Jupiter (4), un fondateur de la puissante Syracuse. Quel hymne assez magnifique sera digne de ce héros, que déjà ses concitoyens ont célébré tant de fois sans envie dans leurs éloges ?

Fils de Sostrate, c’est à toi que conviennent des chants (5) aussi sublimes. La gloire acquise sans péril dans les batailles et sur l’élément perfide n’est d’aucune valeur aux yeux des mortels. Est-elle le prix de pénibles travaux, elle vit éternellement dans leur mémoire. Ô Agésias ! tu es digne de l’éloge qu’Adraste jadis adressa au fils d’Oïclée, au devin (6) Amphiaraüs, lorsque la terre l’eut englouti avec ses blancs coursiers.

Après que sept bûchers embrasés eurent consumé les corps des guerriers des (7) sept chefs, le triste fils de Talaüs prononça ces paroles : « Je pleure l’ornement et la gloire de mon armée, un sage devin, un vigilant et courageux capitaine. » Eh bien ! l’illustre Syracusain que je célèbre mérite aussi cet éloge. Oui, quoique je sois ennemi des paroles de défiance et de contradiction, je ne craindrai pas de l’affirmer avec serment, oui, je le jure, et les Muses, qui n’inspirent jamais que des chants pleins de douceur, me pardonneront ce serment.

Ô Phintis (8) ! attelle-moi promptement ces mules rapides ; je vais parcourir aujourd’hui une brillante carrière et raconter l’origine des ancêtres d’Agésias. Ces mules couronnées à Olympie ne sont pas indignes de trouver place dans mes chants : elles peuvent mieux que tout autre guide me conduire à l’instant dans le palais (9) de Pitane, sur les bords de l’Eurotas.

Unie à Neptune, fils de Saturne, Pitane donna le jour à la belle Évadné aux cheveux d’ébène. Son sein cacha quelque temps le fruit de ses amours ; mais le neuvième mois étant arrivé, elle confia à ses esclaves ce dépôt précieux pour le porter au vaillant fils (10) d’Élatus, qui dans (11) Phésane régnait sur les enfans de l’Arcadie, aux rives de l’Alphée.

Élevée en ces lieux charmans (12), Évadné goûta dans les bras d’Apollon les premières faveurs de Cypris ; mais elle ne put longtemps échapper aux soupçons d’Épytus : cet époux infortuné comprit qu’elle portait dans ses flancs un germe divin. Cependant il renferme dans son cœur le feu de la colère qui le dévore et se rend à Delphes en toute hâte pour consulter l’oracle sur un avenir dont il ne peut supporter la pensée. Alors Évadné dépose sa ceinture de pourpre et son aiguière d’argent ; et avec les