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poëte avait plus que tout autre auteur grec des droits à mes faibles recherches. Le désir de connaître et d’approfondir, toujours impérieux à un âge où les passions et la pensée sont plus vives, soutint et encouragea mes efforts contre toutes les difficultés d’une telle entreprise.

Je lus donc et relus souvent les odes du poëte de Thèbes ; mais, malgré le véritable culte que je lui avais voué, je ne tardai pas à me persuader qu’il serait en quelque sorte impossible d’imiter en notre langue et de rendre parfaitement ces chants inspirés par le plus haut enthousiasme poétique et national, et dans lesquels le sens est presque toujours inséparable de certaines circonstances où le poëte et le vainqueur se trouvaient placés. Je m’environnai de tous les matériaux qui pouvaient m’être utiles, je consultai les scholiastes, les commentateurs, en un mot je recueillis tout ce qu’on avait écrit sur les jeux des anciens, sur les usages et coutumes de ces temps, sur la vie du poëte, son style, la marche de ses odes, etc.

Bientôt je réunis les traductions qui en avaient été faites ; je parcourus tour à tour Sozzi, Gin, Tourlet, les Essais de Vauvilliers et ceux de l’auteur des Soirées littéraires. Partout en général je fus loin de reconnaître les chants harmonieux et sublimes du cygne de Dircé, ou du moins je les trouvai singulièrement défigurés. Cependant ces traducteurs m’offrirent quelques lumières utiles dont je profitai.

Dès ce moment je me résolus à traduire Pindare tout entier, mot à mot, avec l’attention scrupuleuse de ne point intervertir l’ordre des pensées, pour conserver leur enchaînement et leur gradation, et de respecter même l’ordre des mots pour ne pas détruire leur harmonie et leurs images : car tout se lie intimement dans la pensée et les expressions d’un génie supérieur.

Ce travail consciencieux, joint à un examen sérieux et réfléchi des plus habiles critiques, me convainquit que la plupart des traducteurs du poëte de Béotie étaient tombés dans un grand nombre de contre-sens, et s’étaient contentés, dans les passages difficiles, de paraphraser le texte en comblant à leur gré les lacunes qu’ils prétendent que ses écarts laissent en plus d’un endroit.

Quoique je fusse convaincu que notre langue, par sa pauvreté et l’uniformité de ses constructions, s’accordât peu avec la hardiesse des figures, l’harmonie des expressions, la variété du style, la longueur et la cadence des périodes de Pindare, néanmoins je compris qu’il serait possible, sinon d’égaler le modèle, au moins de ne pas rester tant au-dessous et de donner une traduction qui fût assez fidèle et assez élégante pour ne pas être tout à fait indigne du prince des poëtes lyriques. C’est là qu’ont tendu constamment mes soins et mes efforts pendant les cinq années que je me suis occupé de ce travail.