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nouveau on ne manquait jamais d’en faire la consécration par des danses publiques.

Des Grecs, la danse passa chez les Romains. On sait qu’à certaines époques, les Saliens, prêtres de Mars, exécutaient à Rome des danses publiques en l’honneur de leur dieu. Une foule d’auteurs en font mention.

Il était essentiel de faire observer cet usage, parce que seul il peut répandre quelque lumière sur ce que l’on doit entendre par strophes, antistrophes et épodes et aider nos lecteurs à s’en former une juste idée.

Dans le temps donc que la musique et la danse accompagnaient inséparablement l’ode, qui célébrait les louanges des dieux, cette dernière espèce de poésie fut divisée de telle manière, qu’on appelait strophe, la première partie de l’ode que le chœur chantait en dansant autour de l’autel, au son de la lyre, de droite à gauche. Par ce mouvement on prétendait représenter celui du monde, d’orient en occident ; car Homère et d’autres poëtes anciens appellent à droite ce qui est à l’orient. La strophe finie, le chœur continuait la danse, mais dans un sens contraire, c’est-à-dire de gauche à droite, pour imiter, par ce mouvement, celui des planètes, d’occident en orient. Cette seconde partie de l’ode, que l’on chantait pendant cette nouvelle conversion, prenait de là le nom d’antistrophe. Une règle constante, c’est que les vers de celle-ci devaient être exactement du même nombre, de la même espèce et dans le même arrangement que ceux de la strophe. On reconnaît au premier coup d’œil que ces mouvemens du chœur ne sont qu’une imitation de la danse astronomique, inventée par les Égyptiens.

Dans la suite, Stésichore termina chaque révolution par une pause assez longue, pendant laquelle le chœur immobile devant la statue du dieu pour représenter la solidité de la terre chantait tantôt debout, tantôt assis, un troisième couplet. Ce couplet étant la clôture des deux autres, fut de là appelé épode (epi ôdê, chant par-dessus), chant pour finir. L’épode était ou plus longue ou plus courte que la strophe, rarement elle lui était égale, elle se composait de vers d’un rhythme différent et ne se chantait pas sur le même air.

Ce Stésichore, qui fut, dit-on, le premier inventeur de l’épode, était d’Himère, en Sicile. On l’appelait d’abord Tisias ; mais depuis le changement qu’il fit dans les chœurs, on le nomma Stésichore, nom qui désigne exactement cette pause qu’il avait introduite. Pausanias raconte que ce poëte ayant perdu la vue, en punition des vers mordans qu’il avait faits contre Hélène, ne la recouvra qu’après avoir rétracté ses médisances, par une pièce contraire à la première ; ce qu’on appela depuis, chanter la palinodie.

Chez les Romains, la poésie lyrique se flattant de plaire par ses propres attraits, n’empruntait plus si servilement ceux de l’harmonie. Pensant que sa marche noblement cadencée était suffisante pour séduire et pour charmer, elle se hasarda à se montrer quelquefois seule et négligea de se parer d’ornemens étrangers. À Rome, les odes d’Horace étaient vraisemblablement plus lues qu’elles n’étaient chantées ; et s’il y avait une musique sur laquelle les paroles fussent ajustées (ce qui n’est pas encore démontré), cette musique n’avait pas différentes parties. Il n’était donc pas nécessaire de les diviser en strophes, antistrophes et épodes. Aussi Horace n’en fait-il pas mention.

Les poëtes français ont ressuscité le mot de strophe, et ont donné ce nom aux divisions de leurs odes, parce que ce mot, qui signifie conversion, exprimait mieux et plus brièvement que tout autre, le retour ou la répétition du même mécanisme qu’ils observent dans chacun de leurs couplets, composés invariablement sur le modèle du premier. Mais une différence sensible entre leurs strophes et celles de Pindare, c’est que les premières doivent être terminées par un sens parfait, règle qui les fait aussi appeler stances (de l’italien stanza, station), au lieu que celles du poëte grec ne sont terminées, ni par un sens, ni par la fin d’une phrase, ni même, ce qui paraîtra étonnant, par celle du mot, comme on le voit au quarante-cinquième vers de la troisième Olympique.

Voilà tout ce qu’on peut dire de plausible sur cette manière de diviser l’ode chez les Grecs. Les auteurs anciens n’ayant rien de bien précis à cet égard, nous nous sommes bornés à présenter ce qui se trouve dispersé dans les grammairiens, les scoliastes et les commentateurs.

Je ne dirai plus qu’un mot ; et c’est de ma traduction. Frappé des éloges unanimes que Pindare a inspirés à toute l’antiquité et des jugemens divers que plusieurs littérateurs modernes en ont portés, je crus que ce grand