attaquer le fils de Jupiter ; leurs âmes descendaient dans la demeure souterraine de Pluton, et sur la terre leurs ossemens pourrissaient, dépouillés de leurs chairs et dévorés par le brûlant Sirius. Là se heurtaient la Poursuite et le Retour (26) ; là s’agitaient le Tumulte et la Fuite ; là s’échauffait le Carnage ; là couraient en fureur Éris et le Désordre. La cruelle Parque saisissait tantôt un guerrier vivant, mais qui venait d’être blessé ou un autre qui ne l’était pas encore, tantôt un cadavre qu’elle traînait par les pieds à travers la bataille. Sur ses épaules flottait sa robe souillée de sang humain ; elle roulait des yeux effrayans et poussait des clameurs aiguës. Là paraissaient encore les têtes de douze serpens hideux, funestes à nommer, et terribles sur la terre pour tous les hommes qui osaient attaquer l’enfant de Jupiter ; leurs dents s’entre-choquaient avec de longs sifflemens, tandis que le fils d’Amphitryon combattait. Un art merveilleux avait nuancé les corps de ces épouvantables dragons ; l’œil distinguait et les taches bleues de leurs dos et la noirceur de leurs mâchoires profondes.
On voyait aussi des sangliers sauvages et des lions qui s’entre-regardaient avec fureur, et, rangés par troupes, se précipitaient en foule les uns sur les autres : ils ne s’inspiraient mutuellement aucun effroi ; mais leurs cous se hérissaient de poils ; car déjà un grand lion avait été abattu, et près de lui deux sangliers étaient tombés privés de la vie ; de leurs plaies un sang noir s’épanchait sur la terre, et la tête renversée, ils gisaient morts sous leurs terribles vainqueurs. Cependant les deux troupes brûlaient encore de combattre ; une nouvelle ardeur enflammait les sangliers sauvages et les farouches lions.
Ailleurs s’offrait le combat des belliqueux Lapithes (27) qui entouraient le roi Cénée, Dryas, Pirithoüs, Hoplée, Exadius, Phalère, Prolochus, le Titarésien Mopsus, fils d’Ampyx, rejeton de Mars et Thésée fils d’Égée, semblable aux immortels ; tous, formés d’argent, portaient des armures d’or. De l’autre côté, les Centaures ennemis se rassemblaient autour du grand Pétréus, du devin Asbole, d’Arctus, d’Hurius, de Mimas aux noirs cheveux, et des deux enfans de Peucis, Périmède et Dryale : formés aussi d’argent, tous avaient des massues d’or entre leurs mains. Les deux partis s’attaquaient, comme s’ils eussent été vivans et ils combattaient de près, armés de lances et de massues. Les coursiers aux pieds rapides du cruel Mars étaient figurés en or ; au milieu de la mêlée ce dieu, ravisseur de butin, ce dieu funeste frémissait, une pique à la main, excitant les soldats, couvert de sang, dépouillant les vaincus qui paraissaient respirer encore et triomphant du haut de son char. Près de lui se tenaient la Terreur et la Fuite, impatientes de se mêler au combat des héros. La belliqueuse fille de Jupiter, Pallas Tritogénie semblait vouloir allumer le feu des batailles ; une lance brillait dans ses mains, un casque d’or sur sa tête, et l’égide sur ses épaules. Ainsi armée, elle se précipitait vers la guerre terrible.
Ici on contemplait le chœur sacré des immortels ; au milieu de ce chœur le fils de Jupiter et de Latone tirait de sa lyre d’or des sons ravissans qui perçaient la voûte de l’Olympe, séjour des dieux. Autour de la céleste assemblée s’élevait en cercle un monceau d’innombrables trésors ; et dans cette lutte divine, les Muses de la Piérie (28) chantaient les premières, comme si elles faisaient entendre une voix harmonieuse.
Là sur la mer immense s’arrondissait un port à l’entrée facile, composé de l’étain le plus pur et rempli de flots écumans. Au milieu, de nombreux dauphins paraissaient nager çà et là, en épiant les poissons ; deux dauphins d’argent, soufflant l’eau par leurs narines (29), dévoraient les muets habitans de l’onde, et sous leurs dents se débattaient les poissons d’airain. Un pêcheur les contemplait, assis sur le rivage (30), et balançait dans ses mains un filet qu’il semblait prêt à lancer.
Plus loin, le fils de Danaë à la belle chevelure, Persée (31), ce dompteur de chevaux, ne touchait pas le bouclier de ses pieds rapides et n’en était pas très-loin ; par un incroyable prodige, il n’y tenait d’aucun côté. Ciselé en or par les mains de l’illustre Vulcain, il portait des brodequins ailés, et le glaive d’airain à la noire poignée, suspendu au baudrier, brillait sur ses épaules ; il volait comme la pensée (32). Tout son dos était couvert par la tête de la cruelle Gorgone (33) : autour de cette tête voltigeait, ô merveille ! un sac d’argent d’où tombaient des franges d’or au loin étincelantes. Sur le front du héros s’agitait le formidable casque de Pluton (34), enveloppé des épaisses ténèbres de la nuit. Le fils de Danaë lui-même s’allon-