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de rose contemplera Arcture, ô Persès ! cueille tous les raisins et apporte-les dans ta demeure ; expose-les au soleil dix jours et dix nuits. Conserve-les à l’ombre pendant cinq jours, et le sixième, renferme dans les vases ces présens du joyeux Bacchus. Quand les Pléiades, les Hyades et l’impétueux Orion auront disparu, rappelle-toi que c’est la saison du labourage. Qu’ainsi l’année soit remplie tout entière par des travaux champêtres.

Si le désir de la périlleuse navigation s’est emparé de ton âme, redoute l’époque où les Pléiades, fuyant l’impétueux Orion, se plongent dans le sombre Océan ; alors se déchaîne le souffle de tous les vents ; n’expose pas tes navires aux fureurs de la mer ténébreuse Souviens-toi plutôt, comme je te le conseille, de travailler la terre ; tire le vaisseau sur le continent et assujettis-le de tous côtés avec des pierres qui arrêteront la violence des vents humides. Songe à vider la sentine, pour qu’elle ne soit point gâtée par la pluie de Jupiter. Renferme tous les agrès dans ta maison. Replie avec soin les ailes du vaisseau qui traverse les mers. Suspends au-dessus de la fumée de ton foyer le superbe gouvernail et attends la saison propice aux courses maritimes. Quand elle sera venue, lance à la mer ton léger navire et remplis-le d’une cargaison convenable qui, à ton retour, te procurera des bénéfices. C’est ainsi que notre père, imprudent Persès, naviguait en cherchant un honnête moyen d’existence. Autrefois, abandonnant la Cume d’Éolide, il arriva dans ce pays, après avoir franchi sur un noir vaisseau l’immense étendue de la mer. Il ne fuyait pas la fortune, la richesse et l’opulence, mais la cruelle pauvreté que Jupiter envoie aux hommes. Enfin, il s’établit près de l’Hélicon, dans Ascra, misérable village, affreux l’hiver, incommode l’été, désagréable toujours.

Pour toi, ô Persès ! souviens-toi de ne te livrer à tous les travaux et surtout à la navigation que dans la saison propice. Fais l’éloge d’un petit bâtiment, mais remplis un grand vaisseau de marchandises. Plus la cargaison est considérable, plus tu accumuleras profits sur profits, si toutefois les vents retiennent leur souffle désastreux. Si, tournant vers le commerce ton esprit imprudent, tu veux éviter les dettes et la cruelle famine, je t’enseignerai les moyens d’affronter la mer retentissante, bien que je sois inexpérimenté dans l’art de la navigation. Jamais je n’ai traversé sur un navire la vaste mer que lorsque je vins dans l’Eubée, en quittant Aulis où jadis les Grecs, attendant la fin des tempêtes, avaient rassemblé une nombreuse armée pour voguer de la divine Hellas vers Troie aux belles femmes. Pendant ce voyage, je passai à Chalcis pour disputer les prix du belliqueux Amphidamas, quand ses fils magnanimes proposèrent plusieurs genres de combats. Là je m’enorgueillis d’avoir conquis par mes chants un trépied à deux anses, que je consacrai aux Muses de l’Hélicon, dans les lieux mêmes où, pour la première fois, elles m’avaient inspiré des vers harmonieux. C’est alors seulement que je me confiai aux solides vaisseaux. Cependant je te révélerai les conseils de Jupiter armé de l’égide ; car les Muses m’apprirent à chanter les hymnes célestes.

Cinquante jours après la conversion du soleil, lorsque le laborieux été arrive à son terme, c’est l’époque favorable à la navigation. Tu ne verras aucun vaisseau se briser, et la mer n’engloutira pas les voyageurs, à moins que le prudent Neptune qui ébranle la terre, ou Jupiter, roi des immortels, n’ait résolu leur perte. En effet, les maux et les biens sont tous au pouvoir de ces dieux. Les vents alors sont faciles à distinguer ; la mer est sûre et tranquille. Encouragé par ces vents, lance sur cette mer ton rapide navire, que tu auras soigneusement rempli de marchandises. Mais hâte-toi de revenir dans tes foyers le plus tôt qu’il te sera possible ; n’attends pas le vin nouveau, les inondations de l’automne, l’approche de l’hiver, ni le souffle impétueux du Notus qui, accompagnant les abondantes pluies de Jupiter, rend la mer orageuse et difficile.

On peut encore s’embarquer au printemps, lorsque l’homme voit bourgeonner à la cime du figuier des premières feuilles aussi peu sensibles que les traces d’une corneille qui glisse sur la terre ; alors la mer est accessible. C’est l’époque de la navigation du printemps ; mais je ne l’approuve pas ; elle ne plaît point à mon esprit, parce qu’il faut toujours en saisir l’occasion. Tu auras de la peine à fuir le danger ; néanmoins les hommes s’y exposent follement ; ; car la richesse est la vie même pour les malheureux mortels. Cependant il est cruel de périr dans les flots. Je t’engage à méditer dans le fond de ta pensée tous les conseils que je te