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retour d’une expédition et ayant besoin de me refaire par le sommeil, elles firent un tel vacarme qu’il ne me fut pas possible de fermer l’œil un instant ; je passai la nuit sans dormir, ayant la tête rompue de leurs cris jusqu’au lendemain que le coq chanta. Gardons-nous donc, ô dieux ! de faire intervenir notre aide dans cette affaire. N’allons pas nous exposer à recevoir de dangereuses blessures, car les guerriers sont vaillants, ils ne respecteraient pas les dieux mêmes, si les dieux se présentaient à leurs coups. Qu’il nous suffise de contempler du haut des cieux l’événement de cette journée. »

Elle dit, et les dieux de l’Olympe applaudissent à son discours. Déjà les combattans sont assemblés. On voit avancer deux hérauts ; ils portent le signal de la guerre. Les moucherons font résonner leurs trompes comme des clairons et sonnent le bruit redoutable du combat ; Jupiter lui-même veut annoncer cette sanglante journée en faisant gronder son tonnerre du haut des cieux.

Le premier trait lancé par Hypsiboas[1] atteint Lichenor[2], qui combat dans les premiers rangs : percé au foie, il tombe dans la poussière et souille ainsi son beau poil. Troglodyte[3], après lui, enfonce son javelot dans la poitrine de Péléon[4] : ce coup mortel la renverse par terre, son âme s’envole de son corps. Embasichytre meurt d’un coup que lui porte Seutlée[5] en le blessant au cœur. Artophage[6] frappe Polyphone[7] à la hauteur du ventre : cette malheureuse tombe et ses membres demeurent sans vie. Limnocharis[8], voyant Polyphone dans cette extrémité, attaque Troglodyte, et lui lançant une pierre énorme, l’atteint derrière le cou. Ses yeux s’appesantissent sous les ténèbres de la mort. Lichenor le venge en dirigeant contre elle sa lance brillante : il ne manque pas le but, il la blesse au foie. Dès que Crambophage[9] l’aperçoit, s’étant mis à fuir, elle se précipite du haut de la rive, et du milieu des eaux elle ne cesse pas de combattre ; elle l’abat d’un trait qu’elle lui lance : il ne lui est plus possible de se relever. Le sang qui coule de sa blessure teint de pourpre les eaux du marais, tandis que l’infortuné Lichenor est étendu sans vie sur le rivage, environné de ses entrailles palpitantes qui se sont répandues au dehors. Limnisie[10] ôte la vie à Tyroglyphe[11]. Calamite[12], voyant avancer Pternoglyphe[13], prend la fuite et saute dans l’eau après avoir jeté son bouclier. Hydrocharis[14] tue le prince Pternophage[15] d’un coup de pierre qui l’atteint au crâne ; la cervelle lui coule par les narines et la terre est arrosée de son sang. Lichopinax immole le brave Borborocète[16] d’un coup de lance ; ses yeux se ferment pour jamais. Prassophage[17], apercevant Cnissodiocte[18], le saisit par le pied, l’entraîne dans l’eau et ne le laisse point aller qu’elle ne l’ait suffoqué. Psicharpax, animé par la perte de ses compagnons, combat vaillamment à leurs côtés. Péluse[19] reçoit de ce guerrier une blessure qui lui traverse le foie : elle tombe en avant et son âme descend chez Pluton. Pélobate[20], témoin de ce malheur, jeta une poignée de vase au visage de Psicharpax : son front en est tout couvert, et peu s’en faut qu’il ne perde la vue. Transporté de fureur, il soulève avec force une masse de pierre dont le poids surcharge la terre et dirige le coup contre Pélobate, qu’il atteint au-dessous du genou ; il en a la jambe droite toute fracassée et tombe à la renverse dans la poussière. Craugaside[21] venge son compagnon et se précipite à l’instant sur Psicharpax ; il lui perce le ventre avec la pointe du jonc qui lui sert de lance : comme il le retire avec force, tous ses intestins se répandent au-dehors. Sitophage[22] voyant Craugaside au bord de l’eau, se retire de la mêlée en boitant, car il souffre amèrement ; il saute dans un fossé pour éviter la mort. Troxarte blesse Physignathe au bout du pied ; celle-ci, tourmentée par la douleur de cette blessure, quitte aussitôt le combat et plonge dans l’étang. Troxarte, voyant fuir son ennemie qui respirait à peine, la poursuivit avec ardeur dans l’espoir de lui ôter la

  1. Qui crie fort.
  2. Qui lèche les hommes.
  3. Qui se retire dans un trou.
  4. Qui cherche la vase.
  5. Qui se nourrit de poirée.
  6. Mange-pain.
  7. Qui croasse sur plusieurs tons.
  8. L’ornement des marais.
  9. Qui se nourrit de choux.
  10. Qui habite les marais.
  11. Cave-fromage.
  12. Qui se tient entre les roseaux.
  13. Creuse-jambon.
  14. Qui se plaît dans l’eau.
  15. Mange-jambon.
  16. Qui se couche dans le bourbier.
  17. Qui se nourrit de poireaux.
  18. Qui est à l’affût de la graisse.
  19. Qui se plaît dans la fange.
  20. Qui marche dans la boue.
  21. Qui crie sans cesse.
  22. Qui se nourrit de blé.