Page:Faguet - Zola, Eyméoud.djvu/15

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 13 —

qua toujours à un degré prodigieux et d’une manière excellente ; car à qui manque d’esprit les Français et même tous les Européens sont toujours très disposés à attribuer du génie. Toujours est-il qu’il en manqua. Toute raison aiguisée, toute pensée un peu déliée, toute observation même un peu pénétrante lui étaient absolument interdites. Je ne vois pas quelqu’un au monde qui ait été plus le contraire de Swift, de Sterne, de La Rochefoucauld, de La Fontaine, de La Bruyère et de Voltaire. Et voyez comme les choses s’éclairent par les contrastes. Prenez le premier venu des admirateurs de Zola, il vous dira : « Sans doute ; mais qu’est-ce que c’est que Swift, La Rochefoucauld, La Fontaine, La Bruyère et Voltaire, auprès de Victor Hugo, Balzac et Zola ? »

Et comme les romantiques il avait l’horreur même de la vérité. Les romantiques vivent dans l’imagination comme le poisson dans l’eau et ont la crainte de la vérité comme le poisson de la paille. Elle les gêne, parce qu’elle les limite, les réprime, les refoule et les étouffe. Elle les empêche d’inventer, de créer et comme de produire. C’est leur vocation, leur prédestination et leur office propre d’écarter la vérité après que, pendant une