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la correspondance

anciens professeurs, comme le Père Porée, le Père Le Jay, le Père Tournemine ; amis d’enfance ou de jeunesse : comme ce bon Thiériot, toujours paresseux, gourmand et négligent, mais si aimable, et que Voltaire gronde avec des caresses fraternelles ; comme de Formont qui s’occupe de ses tragédies auprès des comédiens et lui donne des conseils d’art et de métier dramatique ; comme de Gideville, bel esprit mondain, avec qui il est en commerce de petits vers, corrigeant ceux qu’il reçoit, recommandant ceux qu’il envoie ; comme Damilaville, sage, vrai philosophe pratique, modeste, judicieux, modéré et bienfaisant ; comme les d’Argental, le comte et la comtesse, qu’il ne sépare point dans son affection, « ses anges, » dont il « baise les ailes » à chacune de ses lettres, avec ces grâces, moitié impertinentes, moitié câlines, dont il a le séduisant secret ; comme l’excellent abbé Moussinot, son exact agent d’affaires, son ministre des finances à Paris, trésorier modèle, à qui le fils du notaire Arouet écrit des lettres de comptes d’une précision magistrale, qui trouvent le moyen d’être des billets pleins de bonne grâce et de légèreté spirituelle.

Il faudrait faire un recueil encore qui serait charmant des lettres aux dames célèbres ou distinguées auxquelles Voltaire réserve le meilleur et le plus fin de son esprit : Mme la présidente de Bernière ; Mme la duchesse de Choiseul, à qui il envoie la première paire de bas de soie sortie de ses fabriques ; Mme la marquise de Florian ; Mme de Graffigny ; Mme la duchesse de Saxe-Gotha ; Mme la princesse de Talmont ; et surtout Mme la marquise du Deffand, sa vieille amie, souffrante, aveugle, toujours aimable et souriante, toujours mêlée à toute la vie intellectuelle de son siècle, qu’il gâte tout particulièrement, et à laquelle il écrit les lettres