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Voltaire

Au peu d’esprit que le bonhomme avait,
L’esprit d’autrui par complément servait.
Il entassait adage sur adage,
Il compilait, compilait, compilait.
On le voyait sans cesse écrire, écrire
Ce qu’il avait jadis entendu dire.
Et nous lassait sans jamais se lasser.
Il me choisit pour l’aider à penser.
Trois mois entiers ensemble nous pensâmes,
Lûmes beaucoup et rien n’imaginâmes.

Ensuite ce fut à un auteur de l’école de La Chaussée que le pauvre diable se donna. Cette école était celle de la comédie sentimentale, de la « comédie larmoyante, » oii Voltaire lui-même n’a pas laissé de donner un peu :

Eh bien ! mon fils, je ne te blâme pas.
Il est bien vrai que je fais peu de cas
De ce faux genre, et j’aime assez qu’on rie.
Souvent je baille au tragique bourgeois,
Aux vains efforts d’un auteur amphibie,
Qui défigure et qui brave à la fois
Dans son jargon Melpomène et Thalie ;
Mais après tout, dans une comédie,
On peut parfois se rendre intéressant
En empruntant l’air de la tragédie,
Quand, par malheur, on n’est pas né plaisant.

Ainsi va la satire de Voltaire, d’épigramme en épigramme, à travers tout le monde littéraire et même tout le monde du temps. Si vous en voulez connaître la conclusion, qui n’en est pas l’essentiel, la voici. D’aventure en aventure, le pauvre diable a échoué à l’hôpital. Il vient d’en sortir. Il demande un petit emploi à Voltaire, s’il est possible.